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Justice

Gestion de la crise du Covid : Agnès Buzyn ouvre le bal des convocations judiciaires

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
L’ex-ministre de la Santé est convoquée ce vendredi à la Cour de Justice de la République en vue d’une éventuelle mise en examen pour «abstention de combattre un sinistre».
L'ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn devant la mission d'information relative à l'épidémie de Coronavirus à Paris le 30 juin 2020. (Albert Facelly/Libération)
publié le 10 septembre 2021 à 7h00

Agnès Buzyn sera ce vendredi la première d’un plus ou moins long défilé ministériel devant la Cour de justice de la République (CJR), autant de personnalités visées par une information judiciaire ouverte en juillet 2020 pour «abstention de combattre un sinistre», en l’espèce la pandémie de Covid-19. Une perquisition simultanée opérée en octobre dernier en donne un aperçu : outre l’ancienne ministre de la Santé, une cinquantaine de policiers visitaient les domiciles de son successeur, Olivier Véran, de l’ex-Premier ministre Edouard Philippe et de l’ancienne porte-parole de l’Elysée Sibeth Ndiaye. Selon nos informations, ils devraient à leur tour être convoqués par la Commission d’instruction de la CJR – seule instance apte à poursuivre pénalement les ministres – d’ici la fin de l’année.

Des milliers de plaintes déposées devant la CJR, sa commission des requêtes en aura finalement retenu neuf, qui la plupart tournent autour de la criante pénurie initiale de masques. «Il aura fallu attendre plus d’un mois entre l’annonce d’un premier cas de contamination sur le sol français et les premières mesures prises contre la propagation du virus», dénonce ainsi la plainte d’un collectif de médecins, «alors qu’on dénombrait déjà neuf décès». La CJR, dans sa décision d’ouvrir les hostilités pénales en juillet 2020, insiste particulièrement sur ces masques, pointant «l’absence de constitution de réserves de matériel de protection, le défaut de commandes immédiates et en nombre suffisant, les éventuels retards dans la prise de décision en matière sanitaire».

Déstockage des masques

Ces atermoiements initiaux sont «susceptibles de constituer l’élément matériel du délit» d’abstention de combattre un sinistre. Il est passible de deux ans de prison, un poil plus grave que la mise en danger de la vie d’autrui (un an). Tout l’enjeu judiciaire sera de reconstituer l’état des connaissances des décideurs publics, semaine par semaine, voire au jour le jour, puis de comparer avec les décisions prises au fil du temps : «Plus ils étaient informés d’un péril imminent, plus l’obligation de moyens pour y répondre est élevée», résume Nabil Boudi, avocat d’un malade ayant porté plainte.

Sur le volet non ministériel, les responsables de la Direction générale de la santé et de Santé public France sont également dans le viseur de l’enquête pénale ouverte parallèlement par le parquet de Paris. Pour avoir encouragé le déstockage des masques bien avant l’apparition du virus, sous prétexte d’encombrement inutile. Puis avoir opposé le secret des affaires aux curieux – avocats, journalistes… – cherchant à en savoir plus sur les commandes une fois la pandémie avérée.

Désormais exfiltrée à Genève au sein de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), avec le titre d’envoyée de son directeur général pour les affaires multilatérales, Agnès Buzyn avait fait faux bond lors d’une première convocation devant la CJR, en juillet dernier. Celle qui s’était dite publiquement à la disposition de la justice de son pays sera-t-elle cette fois au rendez-vous ? Le député LREM Sacha Houlié s’est dévoué jeudi pour dénoncer une «judiciarisation de la vie politique», au motif que «les premiers juges sont d’abord les électeurs». Emmanuel Macron, en début de mandat, avait même envisagé la suppression de la CJR, qui tente actuellement de faire mentir sa réputation d’infinie lenteur. Et la Macronie d’en faire l’apprentissage.