Sept ans après les faits, le tribunal a estimé que Jackie D. avait agi dans «l’exercice de ses fonctions du maintien de l’ordre». Les magistrats du tribunal correctionnel de Paris ont choisi d’acquitter ce vendredi 17 octobre le major d’une compagnie CRS, poursuivi pour «blessures volontaires» lors d’une manifestation des gilets jaunes à Paris. Sans sommation avant le lancer, ni annonce à la radio de service, il avait jeté une grenade, qui avait grièvement blessé plusieurs personnes et arraché la main d’un manifestant, Gabriel Pontonnier. La justice a considéré que son action constituait une «réponse nécessaire et proportionnée» et ce malgré «l’issue dramatique» du jet du projectile.
Le 24 novembre 2018, aux alentours de 18 heures, dans un contexte tendu entre manifestants et forces de l’ordre, le policier avait jeté un engin contenant une charge explosive - une grenade du modèle GLI-F4, constituée de 25 grammes d’un explosif générant un effet assourdissant, une onde de choc et la dispersion de gaz lacrymogène - sur un rond-point en bas des Champs-Elysées.
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«Ça a totalement changé ma vie», avait témoigné le plaignant, Gabriel Pontonnier, lors du procès. Il s’était rendu à Paris avec ses proches pour manifester en faveur du service public, de façon «pacifique». Le jeune homme de 21 ans, qui venait de valider sa formation de chaudronnier chez les compagnons du devoir, voulait monter son entreprise. «Tous mes projets sont tombés à l’eau», avait-il témoigné, racontant avoir subi 25 interventions chirurgicales et être en dépression.
Sa mère avait qualifié «d’enfer» les sept ans de la procédure judiciaire. «On est une famille fracturée, cette grenade nous a détruits», avait-elle déclaré.
«Accumulation d’imprudences»
A la barre, Jacky D. avait retracé dans le détail les circonstances de son geste. «On reçoit un nombre de projectiles qui est démultiplié. J’ai jeté la grenade pour faire reculer les assaillants et faire cesser le nombre de projectiles que mes hommes et moi on reçoit.» Il assurait par ailleurs avoir lancé l’engin explosif «entre les CRS et les manifestants» et non pas directement «sur les manifestants». Alors que la nuit était déjà tombée et que le lieu est envahi de fumées de gaz lacrymogènes, il disait aussi avoir lancé la grenade au motif que «ça permet d’y voir plus clair».
Un argument retoqué par l’avocate de Gabriel Pontonnier, qui s’en était servi pour dénoncer un «tir à l’aveugle» de la part du major. «Malgré la dangerosité de la GLI-F4, un engin classé comme une arme de guerre, vous avez une accumulation d’imprudences» de Jacky D, «qui a dit lui-même qu’il ne voyait rien», avait estimé Me Emma Eliakim.
Le major s’est par ailleurs justifié de l’absence de sommation avant le lancer : «Nous étions réellement pris à partie et l’intégrité physique de mes hommes était en danger». Quant à l’absence de message sur la radio de service, cela tient au fait qu’elle était «encombrée», selon lui.
«Exemplaires»
Pour autant, Jacky D. a reconnu que les conséquences de cet acte étaient «catastrophiques» et disait compatir à la douleur de la victime. «Les policiers ont le monopole de la violence légitime, mais le revers de la médaille, c’est qu’ils doivent être exemplaires», avait plaidé Me Ainoha Pascual, une des conseils des parties civiles.
«Le débat est de savoir si l’utilisation et le lancer de la grenade ont été utilisés dans le cadre légal et réglementaire prévu, et si des imprudences et négligences peuvent vous être reprochées», avait tenu à poser en introduction le président du tribunal au prévenu.
Sans surprise, le parquet, qui avait requis lors de l’instruction un non-lieu en faveur du policier, avait demandé la relaxe à la fin de l’audience. La représentante du ministère public, bien que concédant un «résultat final désastreux», avait estimé que le policier était «dans son droit».