On peut, si on en croit la gabegie judiciaire à laquelle nous avons assisté mercredi, interroger un après-midi entier une victime de viols, parfois en hurlant, dans le silence assourdissant de la cour, pour la sommer de s’expliquer sur des dizaines de photos explicites extraites du dossier. On peut, tout en lui répétant d’un air doucereux que «bien sûr on la croit», que «bien sûr il n’est pas question ici de morale», ressortir du placard de vieux refrains misogynes pour la remettre en cause. «Je comprends que les victimes de viol ne portent pas plainte ! On passe vraiment par un déballage où on essaye d’humilier la victime !» a éclaté Gisèle Pelicot de sa voix limpide et sonore, qui n’avait jusqu’ici jamais flanché. C’est elle qui a voulu que ce procès soit public, et elle le répète : «Je le fais au nom de toutes ces femmes qui peuvent subir cela.»
«C’est dégradant»
La voilà à nouveau seule à la barre, dans sa chemise bleue, au côté de son avocat, Me Stéphane Babonneau. «Depuis que je suis arrivée dans cette salle d’audience, je me sens humiliée. On me traite d’alcoolique, on dit que je me mets dans un état d’ébriété tel que je suis complice de M. Pelicot», lance-t-elle. Derrière elle, dans son box, Dominique Pelicot, 71 ans, ne bronche pas. Il a reconnu dès l’enquête l’avoir droguée pendant des années à grands coups d’anxiolytiques pour pouvoir la violer et organiser ses viols par des dizaines d’inconnus, recrutés sur le site coco.fr. Ils sont 50, de tous âg