Elle était toute neuve. Inaugurée mi-décembre, la bibliothèque Chantal-Mauduit, située dans le quartier populaire Mistral de Grenoble (Isère), a été incendiée dans la nuit de mardi à ce mercredi 19 février, comme le rapportent nos confrères du Dauphiné Libéré et de Ici Isère. Une voiture bélier a été lancée volontairement sur cet équipement, puis incendiée. Quelques heures plus tôt mardi soir, des agents de police et des CRS avaient essuyé des jets de projectiles, sans être atteints. Les jets se sont poursuivis dans la soirée, ainsi que des tirs de mortiers d’artifice, qui n’ont fait ni blessé ni dégradation. Des containers de poubelles ont aussi été incendiés.
Reportage
Interpellations et déploiements de renforts
La préfète de l’Isère a annoncé ce mercredi l’interpellation la veille au soir de «deux personnes» dans le quartier Mistral, dans le cadre d’opérations de lutte contre le narcotrafic. Catherine Séguin «condamne avec la plus grande fermeté» ces violences, et «adresse tout [son] soutien aux habitants […] désormais privés d’un lieu de savoir et de culture». Elle a également ajouté que des renforts de CRS seraient mobilisés «aujourd’hui, et aussi longtemps que nécessaire» dans le quartier. 160 effectifs sont déployés dont 80 CRS.
Plus tôt ce mercredi matin, une source policière avait affirmé à Libération que ces heurts feraient «suite à une interpellation sur fond de trafic de stupéfiants dans le quartier». L’opération de police aurait été «classique», avec des agents qui «occupent tous les jours les zones sensibles de l’agglomération, dont Mistral fait partie». L’incendie serait le résultat de «la frustration de jeunes commerçants en stups [des dealers, ndlr] qui ont subi une interpellation», avance cette même source.
Dans un communiqué, le parquet de Grenoble a indiqué que «la bibliothèque a été intentionnellement incendiée par propagation volontaire de l’incendie déclenché sur un véhicule projeté dans le bâtiment». Il précise ne pas être en mesure de confirmer si la voiture a été «poussée moteur en marche ou non» et que ces faits pourraient «possiblement» faire «suite à l’interpellation dans la soirée d’un “vendeur du jour”». Aucun lien n’est donc établi à ce stade et le ou les auteurs n’ont pas été identifiés. Le service local de police judiciaire a été saisi des faits, qualifiés de crime de «destruction d’un bien par un moyen dangereux pour les personnes, commise en raison de la qualité de la personne chargée d’une mission de service public de son propriétaire ou utilisateur».
«Déterminés à faire vivre ce service public»
Alors que les pompiers étaient encore sur place ce mercredi, la carcasse de la voiture totalement calcinée restait visible dans la matinée, encastrée dans les restes de la façade en grande partie détruite. L’intérieur de l’édifice a été complètement détruit et la toiture endommagée. «Le bâtiment est entièrement inutilisable, les dégâts sont colossaux», déplore Lucille Lheureux, adjointe au maire, condamnant «fermement cet acte d’une violence inouïe» qui vient cibler «un équipement qui est au bénéfice de familles, d’enfants, tout au long de la journée». «Nous sommes à la fois écœurés, touchés, affectés par cet acte, mais nous sommes aussi déterminés à faire vivre ce service public», a déclaré l’élue face à la presse. Elle a salué au passage les pompiers, qui ont eu le réflexe «de mettre de côté le plus possible de collections».
Cet incendie intervient quatre jours après la visite du ministre de l’Intérieur dans la cité alpine. Lors de ce déplacement à Grenoble, où les fusillades liées au trafic de drogue sont régulières, Bruno Retailleau a présenté sa nouvelle stratégie de lutte contre le narcotrafic. Il propose notamment la création d’un parquet national anticriminalité organisée. L’avant-veille, une attaque à la grenade sur fond de règlement de compte entre trafiquants avait fait quinze blessés, dans un bar du quartier du Village olympique, classé prioritaire de la politique de la ville.
Mise à jour à 14h27 avec les réactions de la préfecture et du parquet.