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Justice

Harcèlement à l’école : l’Etat condamné après le suicide d’un collégien de l’Essonne en 2018

Le tribunal administratif de Versailles considère que l’administration connaissait la situation de harcèlement de l’élève de 6e mais que l’Etat «n’avait pas pris les mesures nécessaires pour mettre fin à ces agissements».
(Vincent Isore/IP3)
publié le 21 mars 2025 à 18h32

Six ans et demi plus tard, l’Etat condamné. Le tribunal administratif de Versailles a condamné la puissance publique, vendredi 21 mars, après le suicide d’un collégien en Essonne le 21 novembre 2018 à son domicile, a appris Libération. «Le tribunal a jugé que le collégien avait effectivement subi des faits de harcèlement et des violences au sein de l’établissement scolaire et que l’Etat n’avait pas pris les mesures nécessaires pour mettre fin à ces agissements», écrit l’instance dans un communiqué. Le jugement a établi, d’une part, le lien entre le harcèlement subi pendant plusieurs mois et le suicide de l’élève, resté anonyme, et d’autre part, que l’administration n’a pas pris de mesures suffisantes contre les élèves mis en cause. L’Etat a donc été condamné à verser aux parents la somme de 65 000 euros ainsi que 27 000 euros pour le préjudice du frère et de la sœur de la victime.

D., un élève de 6e, avait subi le harcèlement de plusieurs de ses camarades entre la rentrée de septembre 2017 et le mois d’avril 2018, quand il a été changé d’établissement. Dans le détail, D. avait notamment été bousculé à de nombreuses reprises, jusqu’à être victime de fractures. Avant d’être de nouveau frappé sur l’attelle. Le 26 janvier 2018, des élèves l’avaient suivi jusqu’à son domicile pour le frapper. Quelques jours plus tard, entre 15 et 20 camarades l’avaient encerclé pour le passer à tabac dans la cour de l’école.

Or, selon l’instruction, le recteur et les personnels enseignants et administratifs de l’établissement étaient au courant de la situation de D. Mais «l’administration n’apporte aucun élément sur les procédures ou sanctions disciplinaires qu’elles auraient engagées ou prise à l’égard des élèves auteurs, en particulier, de faits de violence», note le tribunal administratif de Versailles.

Un lien de causalité direct

Aussi, l’instruction démontre que «l’état psychologique de D. s’est considérablement dégradé à compter de son entrée au collège au mois de septembre 2017, en raison du harcèlement dont il a été victime, rendant nécessaire un suivi médical et la prise de médicaments anxiolytiques et le conduisant à adopter un comportement violent à son domicile ainsi qu’à faire une tentative de suicide à la fin de l’année 2017».

Enfin, si le collégien a déclaré en septembre 2018 être «content» de son changement d’établissement, D. a également déclaré quelques mois plus tôt, dans une fiche d’examen infirmier, être «triste», «inquiet», avoir des soucis «souvent», se réveiller la nuit à cause de cauchemars, «souvent», penser à la mort «parfois» et avoir d’autres problèmes dont il voudrait parler.

Ce jugement intervient dix jours après que l’ex-rectrice de Versailles a échappé aux sanctions après le suicide d’un autre collégien, Nicolas N. à Poissy en 2023. Le ministre de l’Education nationale d’alors, Gabriel Attal, avait pourtant souhaité en novembre 2023 «que l’engagement d’une procédure disciplinaire à l’endroit de (l’ancienne) rectrice puisse être examiné». Cette dernière se voyait notamment reprocher un courrier dans lequel elle jugeait «inacceptables» les alertes formulées par les parents du pré-adolescent au sujet du harcèlement dont il était victime. «Ce n’est pas possible qu’il n’y ait pas de sanction au niveau administratif, cela montre que l’administration n’est pas capable de se réguler et de protéger les enfants», s’est désolée Béatrice Le Blay, la mère de l’adolescent, auprès de l’AFP. «Je prends acte du fait que mes prédécesseurs ont considéré que les éléments transmis par l’inspection générale ne leur permettaient pas d’engager une procédure disciplinaire», a réagi Elisabeth Borne, ministre de l’Education nationale.