Des conditions d’incarcération «gravissimes». Dans un avis publié vendredi 29 août, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté a préconisé «la fermeture, au moins partielle», de la prison pour mineurs de Marseille-La Valentine (11e arrondissement). Une recommandation «très rare», convient pour l’AFP Dominique Simonnot, qui «ne voi[t] pas autre chose que de fermer pour rouvrir dans de meilleures conditions».
«Des mesures urgentes doivent être prises pour remédier, d’une part à l’indignité des conditions matérielles de prise en charge des mineurs détenus et, d’autre part, aux conséquences catastrophiques de la démobilisation et de l’absence du personnel pénitentiaire et éducatif», dénonce Dominique Simonnot dans ces «recommandations» transmises au ministre de la Justice le 31 juillet.
Tribune
La prison dispose de 59 places exclusivement pour des garçons âgés de 13 à 18 ans, dans une ville où les mineurs sont de plus en plus impliqués dans les trafics de drogue. L’établissement a été inspecté du 7 au 11 juillet par la contrôleuse générale, accompagnée de cinq autres inspecteurs, visite pendant laquelle ils ont constaté «de nombreux dysfonctionnements entraînant des atteintes graves aux droits des adolescents détenus».
Graffiti évoquant «la matière fécale ou du sang»
Murs de cellules «couverts de graffiti» évoquant parfois «la matière fécale ou du sang», salles d’eau dépourvues de portes, matelas en mauvais état, dépourvus de housse de protection ou de drap… Aux constats formulés par Dominique Simonnot, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a répondu que des travaux ont été effectués entre 2024 et 2025, mais que «les fortes dégradations» ont été «commises par la population pénale mineure».
Le constat ne se limite pas à l’état des cellules. L’inspection fait état d’une absence de distribution de produits d’hygiène, que les détenus doivent donc acheter à distance, et souligne les «tarifs prohibitifs» auxquels ceux-ci sont soumis lorsqu’ils utilisent les téléphones fixes de la prison. Le rapport met également en avant l’inadaptation du lieu aux étés caniculaires : il est «interdit» de poser des rideaux aux fenêtres des cellules et seuls les jeunes reconnus sans ressources peuvent bénéficier d’un ventilateur gratuit.
Reportage
Les conclusions, terribles, ne s’arrêtent pas là : se penchant sur la question des repas, les inspecteurs n’ont pu que constater leur frugalité et rapportent avoir entendu nombre de détenus déclarer qu’ils avaient «constamment faim». Réponse du ministère : les quantités de nourriture sont réglementaires et «l’unité sanitaire n’a jamais alerté la direction de la structure d’un amaigrissement inquiétant d’aucun mineur lié à son alimentation».
«Mise en grille» et mineurs à l’abandon
Dominique Simonnot a également mis un coup de projecteur sur le procédé «dégradant» de «mise en grille» : il s’agit d’enfermer l’adolescent, entre une demi-heure et cinq heures, dans des «locaux barreaudés, dépourvus d’assise, de point d’eau potable et de WC, où aucune surveillance continue n’est assurée». Le ministère a reconnu l’existence de la pratique, qui a pris fin le 20 août, expliquant qu’elle répondait «exceptionnellement à l’absence, au sein des unités, de salle d’attente permettant de séparer des mineurs lors d’un incident».
«Cerise sur le gâteau», la contrôleuse s’inquiète des activités des détenus : ils «sont laissés à l’abandon, enfermés 23 heures sur 24. Il n’y a plus de prof, il n’y a plus de surveillants, il n’y a plus rien.» Alors que l’absentéisme du personnel empêche de satisfaire aux besoins d’encadrement, Dominique Simonnot réclame que «l’administration [pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse] donne au personnel les moyens de répondre aux besoins des mineurs détenus».
En réponse, le ministère de la Justice a promis la tenue d’«une inspection de l’établissement confiée à l’inspection générale de la justice» et la fermeture d’«une à deux unités» de la prison en septembre pour «la réfection progressive des cellules». Ouverts en 2007, six établissements pour mineurs sont répartis sur le territoire hexagonal. Ils avaient pour mission de pallier les dysfonctionnements des quartiers pour mineurs des prisons en donnant la priorité à l’éducatif.