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Rebondissement

«Il faisait partie de notre famille» : le surprenant séjour d’Alex Batty dans un gîte de l’Aude

Deux propriétaires d’un gîte occitan assurent avoir accueilli à plusieurs reprises l’adolescent britannique porté disparu depuis 2017. Dans un communiqué émouvant, ils racontent s’être attachés au garçon, désormais retourné en Angleterre.
Une capture extraite du communiqué de Frédéric Hambye et Ingrid Beauve, propriétaire du gîte de la Bastide. (DR)
publié le 17 décembre 2023 à 18h03

Pour Frédéric Hambye et Ingrid Beauve, les propriétaires d’un gîte occitan, il s’appelle «Zach». Cet adolescent au regard pétillant, qu’ils assurent avoir pris sous leur aile par périodes depuis deux ans, aime le ragoût de bœuf, les gâteaux au chocolat, les pâtes bolognaises et les recettes végétariennes. Les dimanches, il a pour habitude d’acheter un «Bagnat au Tuna» sur les marchés des villages pyrénéens. Aussi, il bidouille plutôt pas trop mal en informatique. Mais pour le reste du monde, «Zach» s’appelle Alex Batty.

Le couple d’hôtes aurait découvert la véritable identité du jeune homme dans la presse, la semaine dernière. Les joues rosies et la chevelure vénitienne du garçon de 17 ans parsèment les titres des journaux depuis des jours. Pour cause : enlevé à l’âge de 11 ans par sa mère en 2017 à l’occasion de vacances en Espagne, le Britannique a été retrouvé en France après six années de vie «nomade», d’abord au Maroc puis dans les Pyrénées françaises.

Rapatrié samedi dans son pays afin de retrouver sa grand-mère maternelle, qui avait obtenu sa garde avant que sa mère ne l’enlève, il a expliqué lors de son audition par les gendarmes ne pas avoir vécu de violences physiques mais être passé par une communauté «spirituelle» prônant le «travail sur l’ego, la méditation, la réincarnation». Outre-Manche, l’histoire fascine. D’autant plus que Frédéric Hambye et Ingrid Beauve lui apportent ce dimanche 17 décembre un énième rebondissement.

Un adolescent «soigneux» et volontaire

Le couple a discrètement publié sur le site web de leur gîte de la Bastide, situé dans la commune de Camps-sur-l’Agly (Aude), un communiqué repéré par le journal anglais Daily Mail. Et sur quatre pages - deux en français, deux en anglais - ils déroulent l’histoire touchante de leur rencontre avec l’adolescent. Contacté par Libération, Frédéric Hambye s’est contenté de renvoyer vers leur texte.

D’après leurs écrits, le jeune garçon aurait pour la première fois franchi les portes de la bâtisse, perdue dans un écrin de verdure et toisée par la roche du Pic de Bugarach, à la fin de l’automne 2021, en compagnie de son grand-père et de sa mère. Si Alex Batty, ou «Zach», ne devait initialement séjourner que «quelques jours ou semaines», il serait revenu à plusieurs reprises «durant certaines périodes plus ou moins longues», d’après les propriétaires. Pour bénéficier du gîte et du couvert, il aurait contribué à l’entretien des lieux, par des activités de jardinage ou de cuisine.

Tout en décrivant avec tendresse un adolescent «soigneux», qui «avait à cœur de participer à la vie du gîte», les hôtes racontent : «Zach /Alex avait libre accès au frigo et à nos victuailles». «Au fur et à mesure, nous l’avons considéré comme faisant partie de notre famille et nous pensons qu’il appréciait la stabilité et la sécurité que nous représentons pour lui», analysent-ils. Au milieu de son récit, la famille glisse quelques photos. En pleine sortie au cyclorail ou en «visite d’école», un adolescent anonymisé - censé être Alex Batty - présente un large sourire.

Sa mère, toujours introuvable à ce jour et qui pourrait être en Finlande, ne se serait pas attardée au gîte. Les propriétaires avancent même qu’elle n’y aurait jamais logé. Alex Batty, lui, serait «parti à plusieurs reprises [la] rejoindre dans ses lieux successifs de résidence entre l’Aude et l’Ariège». «A ce que l’on sait, elle cherchait un lieu de vie collectif. La Bastide n’a pas cette ambition. Nous ne sommes pas non plus une communauté spirituelle», souligne le duo.

Parti pour refaire sa carte d’identité

La dernière fois que Frédéric Hambye et Ingrid Beauve ont vu «Zach» remonterait au début de cet été. Au fil du temps, les propriétaires l’auraient encouragé à apprendre le français et aidé à trouver une école. Une scolarité que désirait ardemment le jeune homme, d’après eux. Seul problème : il ne possédait plus de carte d’identité, nécessaire à son inscription. Ses hôtes assurent lui avoir alors proposé de l’accompagner au consulat du Royaume-Uni pour l’aider dans ses démarches. Une proposition déclinée par le Britannique débrouillard : «Il nous a dit qu’il trouverait un moyen de retourner au Royaume-Uni par ses propres moyens pour obtenir de nouveaux papiers et reprendre ses études.»

La suite de l’histoire s’est retrouvée dans les médias quelque temps plus tard, lorsque le garçon a été découvert en pleine nuit par un livreur de 26 ans, perdu le long d’une route audoise le 13 décembre. A la fin de leur communiqué, Frédéric Hambye et Ingrid Beauve l’assurent : «Nous lui avons répété qu’il serait toujours le bienvenu et qu’en cas de besoin, nous étions là pour l’aider.» Désormais, Alex Batty se trouve dans la banlieue de Manchester, à plus de 1 200 kilomètres de la tranquillité pastorale de leur logement de l’Aude. Avec l’attention des médias braquée sur lui et des proches perdus de vue depuis des années à redécouvrir. Sobrement, le couple lui adresse donc leurs derniers mots : «Nous lui souhaitons bonne chance.»