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Justice

Incendie mortel d’une résidence pour saisonniers à Courchevel : l’accusé condamné à la perpétuité

L’homme de 28 ans n’a cessé de nier son implication dans le sinistre, au cours duquel deux personnes ont perdu la vie.

Sur les lieux de l'incendie, à Courchevel (Savoie), le 20 janvier 2019. (Fanny Hardy/AFP)
Publié le 27/05/2025 à 21h25

Ses dénégations n’ont pas convaincu les jurés. Hicham Abderraouf, un Algérien de 28 ans, a été condamné mardi 27 mai à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir mis le feu en 2019 à une résidence pour saisonniers à Courchevel. L’accusé a nié pendant tout son procès devant la cour d’assises de Savoie avoir déclenché le sinistre, qui a provoqué la mort de deux travailleurs et fait de nombreux blessés.

«Je n’ai rien à voir, ni de loin, ni de près avec l’incendie. Je ne veux pas servir de pansement, ni être le seul bouc émissaire dans cette affaire», a-t-il encore lancé mardi aux jurés dans une ultime prise de parole. Après sept heures de délibérations, ils l’ont déclaré coupable de cet incendie, mais aussi de détention d’arme et d’évasion avec violence. Les jurés ont retenu la peine de perpétuité requise par l’avocat général, sans période de surêté toutefois.

Le jeune homme, déjà condamné pour trafic de stupéfiants, a accueilli le verdict la tête baissée. «Tout se dirigeait vers lui. Il n’y avait pas d’autre solution», a réagi en pleurs Isabelle Corci, aux côtés de sa fille Ambre. Grièvement blessée dans l’incendie, la jeune femme s’est dite «très soulagée» par le verdict. «La peine est à la hauteur des crimes parce que la dangerosité d’Hicham Abderraouf est telle qu’il serait inconvenable de le remettre en liberté», a ajouté son père Alain.

Rumeur

Le feu, dépeint comme très violent et rapide, s’était déclaré le 20 janvier 2019 peu après 4 heures du matin dans l’Isba, une résidence vétuste abritant 57 travailleurs saisonniers dans la station de ski huppée. Une femme de 32 ans et un homme de 50 ans avaient succombé asphyxiés, et une vingtaine d’autres personnes avaient été blessées en se défenestrant pour échapper aux flammes. Plusieurs témoins avaient fait état d’odeurs d’essence dans le bâtiment avant le sinistre et une arme à feu avait été retrouvée à proximité.

Mardi matin, les deux avocats de la défense s’étaient efforcés de démontrer que la «culpabilité» de Hicham Abderraouf dans cette affaire avait été «artificiellement construite» à partir d’une «rumeur» lancée par son ex-petite amie. La jeune femme, qui travaillait à l’époque comme saisonnière à Courchevel, habitait dans la résidence détruite par l’incendie et avait immédiatement mis en cause Hicham Abderraouf, avant de se rétracter.

Cette rumeur «se propage très vite» et l’enquête a eu vite fait de se concentrer sur ce «coupable idéal», ont accusé les avocats de la défense. De tous les protagonistes de la soirée, Hicham Abderraouf est le seul qui n’a «pas dévié d’un iota» de sa version originale, a fait valoir Me Ghais Bencharif.

L’enquête avait toutefois établi qu’il avait effectué plusieurs passages en voiture pendant la nuit devant la résidence, notamment quelques minutes avant l’apparition des premières fumées. Il était également présent à Courchevel lors d’un précédent incident quelques semaines plus tôt, lors duquel de l’essence aurait déjà été répandue devant des portes de chambre à l’Isba.

Un deuxième procès prévu

«Dès les premiers jours, le nom d’Hicham Abderraouf ressort», et l’hypothèse d’un incendie volontaire «avec produits accélérants» est privilégiée, avait expliqué à la barre le directeur d’enquête, Yohan de Ballesto, au début du procès. Quant au mobile, cela pourrait être que «c’est Hicham Abderraouf qui décide quand une relation se termine et pas l’inverse», avait-il estimé.

Interpellé et mis en examen deux mois après l’incendie, Hicham Abderraouf avait été libéré début avril 2021 en raison d’un vice de procédure. Après plusieurs péripéties et une évasion en 2021, il avait finalement été rattrapé en janvier 2023 à Malaga, en Espagne, et remis aux autorités françaises.

Les parties civiles seront désormais attentives à un deuxième procès, attendu les 5 et 6 juin devant le tribunal correctionnel d’Albertville, qui visera cette fois le propriétaire de l’immeuble, dont la vétusté contrastait avec les luxueux hôtels de la station. Ce propriétaire, un homme d’affaires bien connu dans la station, devra répondre d’«homicide et blessures involontaires» et «hébergement de travailleurs dans un local non conforme».