Les acteurs de la lutte contre les violences contre les enfants peuvent souffler : la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) va se maintenir, et même s’étendre. Comme promis mi-novembre, le gouvernement a annoncé ce lundi 11 décembre qu’elle poursuivra son travail avec des missions élargies. «Après trois ans de travail, il est essentiel de maintenir l’élan créé contre les violences sexuelles subies par les enfants», assure la secrétaire d’État à l’Enfance Charlotte Caubel.
Outre l’inceste, la Ciivise se penchera désormais sur la prise en charge des mineurs victimes de prostitution ou de pédocriminalité en ligne, celle des auteurs de violences sexuelles sur mineurs et la formation des professionnels aux contacts des enfants «aux gestes les plus protecteurs», détaille un communiqué du gouvernement. Elle étudiera aussi les pratiques judiciaires sur ce sujet dans différents pays pour «évaluer les possibilités de transposition en France».
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Autre changement, à la tête de la commission : l’ex-rugbyman et responsable associatif Sébastien Boueilh la présidera désormais. Le fondateur de l’association «Colosse aux pieds d’argile», qui lutte contre les violences sexuelles dans le milieu sportif, a affirmé s’engager «à assurer une continuité et à entrer dans une phase opérationnelle». Il mènera cette mission avec une vice-présidente, l’experte judiciaire Caroline Rey-Salmon.
Ce nouveau binôme acte donc le départ du juge pour enfants Edouard Durand, apprécié pour son indépendance et son franc-parler par les associations qui plaidaient pour son maintien. Selon des observateurs, son aura médiatique et la mise en cause répétée des dysfonctionnements du traitement judiciaire des violences sexuelles agaçaient. Le magistrat affirme regretter la décision du gouvernement. «Je m’inquiète et suis profondément choqué qu’il n’y ait pas un mot de reconnaissance à l’égard des personnes qui ont confié leur témoignage à la Ciivise dans le communiqué du gouvernement», ajoute-t-il.
Il avait pris la tête de la commission, aux côtés de la responsable associative Nathalie Mathieu, lors de sa création en mars 2021. Contexte à l’époque marqué par l’onde de choc qu’avait suscité «la Familia Grande», de Camille Kouchner, livre dans lequel elle accuse son beau-père Olivier Duhamel de viols sur son frère jumeau.
30 000 témoignages recueillis en deux ans
En l’espace de deux ans, la commission a recueilli près de 30 000 témoignages et rendu au gouvernement un rapport de 82 recommandations pour lutter contre ce «crime de masse» qui touche, selon elle, 160 000 enfants chaque année. L’enjeu reste «de lutter contre l’invisibilisation de la parole des victimes» selon le juge Durand.
Pour le gouvernement, ce rapport «marque le terme d’une première étape essentielle, qui a permis de lever le voile sur l’ampleur des violences sexuelles imposées aux enfants, en particulier l’inceste». Il doit «ouvrir la voie à de nouvelles actions concrètes» pour «encore plus protéger les enfants» et «mieux prendre en charge» les victimes de violences. L’exécutif a pour le moment mis en œuvre l’une des préconisations de la Ciivise : la première grande campagne de sensibilisation sur l’inceste lancée mi-septembre. D’autres sont en cours.