L’action de groupe contre les contrôles au faciès, menée par six associations et qui sera examinée ce vendredi 29 septembre lors d’une audience au Conseil d’Etat, s’appuie notamment sur les travaux menés par le Défenseur des droits. Jacques Toubon, qui a occupé ce mandat de 2014 à 2020, après avoir notamment été ministre de la Justice dans le gouvernement de droite d’Alain Juppé (1995-1997), apporte son soutien aux requérants et souhaite une condamnation de l’Etat.
Qu’est-ce qui a motivé votre soutien des associations requérantes ?
Je serai demain au Conseil d’Etat car c’est pour moi l’aboutissement d’un travail entamé il y a plusieurs années, en particulier lors de mon mandat comme Défenseur des droits. Je me considère d’une certaine façon associé à cette action des associations car leur requête est fondée notamment sur l’enquête que j’avais réalisée en 2016 [publiée en 2017, ndlr] sur les relations entre la police et la population et qui concluait que les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes ont une probabilité vingt fois plus élevée que l’ensemble de la population d’être contrôlés par la police. C’est un fait auquel il faut apporter une réponse juridique.
Quelle est votre réaction au fait que l’Etat conteste, devant le Conseil d’Etat mais également devant la Cour européenne des droits de l’Homme, la force probante de cette étude sur les contrôles d’identité discriminatoires ?
En 2016, on a présenté l’étude à la Direction générale de la police nationale. Le ministère de l’Intérieur a nié la réalité de ce qui était démontré par l’enquête avec toujours le même argument qu’il peut exister quelques cas de contrôles discriminatoires mais qui ne sont pas représentatifs. Or la réalité est bien un système de contrôle d’identité discriminatoire et, face à un système, il faut répondre de manière systémique et non au cas par cas. Le ministère de l’Intérieur et la police n’acceptent pas et n’accepteront probablement jamais, sauf décision de justice, que ces activités ne sont pas conformes à la loi.
Plus globalement, comment jugez-vous l’attitude de l’Etat face aux contrôles au faciès ?
Si le Conseil d’Etat donne raison aux associations requérantes, l’administration sera face à un choix, appliquer ou ne pas appliquer l’arrêt du Conseil d’Etat en tentant de faire voter une nouvelle législation qui lui permettrait de contourner cette décision mais qui serait contraire à la Constitution et aux engagements internationaux de la France, en instituant la possibilité de réaliser des contrôles discriminatoires. Il est clair qu’une majorité de personnes ne veut pas qu’on traite différemment les individus selon leur origine, leur apparence physique, mais il existe aussi beaucoup de personnes qui pensent qu’il est normal de leur réserver un sort particulier. On a là, à travers ces décisions de justice, une vraie question de société qui est posée et entretenue par l’extrême droite, à travers son affirmation qu’on ne serait plus chez nous du fait de l’immigration. Chez nous, ce sont eux et nous ensemble, ceux qui arrivent et ceux qui sont là.