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Libération
Mea culpa

«J’ai péché par idée reçue» : Darmanin s’excuse trois ans après le fiasco du Stade de France

Le garde des Sceaux, alors ministre de l’Intérieur, a reconnu «un échec» dans la gestion de la sécurité en marge de la finale de la Ligue des champions le 28 mai 2022 qui avait opposé le Real Madrid et Liverpool.
Gérald Darmanin, le 29 avril 2025 à l'Assemblée nationale, à Paris. (Ludovic Marin/AFP)
publié le 5 mai 2025 à 19h05

Il aura fallu trois ans et un changement de ministère à Gérald Darmanin pour battre sa coulpe. L’ancien ministre de l’Intérieur devenu garde des Sceaux accusait, qui accusait jusqu’à présent les supporteurs anglais des événements chaotiques survenus en marge de la finale de Ligue des champions Liverpool-Real Madrid au Stade de France, s’est «excusé» ce lundi 5 mai pour la première fois.

«On s’est trompés de dispositif» d’encadrement policier de cette rencontre, a reconnu dans une interview diffusée sur la chaîne YouTube Legend. «On s’attendait à une guerre hooligan, et en fait on a eu des gens qui sont venus faire des rackets. Donc l’addition des conneries […] fait que moi, quand je fais ma première sortie publique, je dis ce que j’ai vu et ce qu’on m’a dit : “Les Anglais foutent le bordel. […] C’était pas vrai au sens littéral du terme», concède le garde des Sceaux. «C’était un échec parce que j’avais pas bien prévu, et j’ai péché par idée reçue. Le coupable était facile», reconnaît par ailleurs Gérald Darmanin.

Goulots d’étranglement

Initialement prévue à Saint-Pétersbourg, la finale remportée par le Real Madrid (1-0) avait été finalement organisée le 28 mai 2022 à Saint-Denis après l’invasion russe de l’Ukraine quelques mois plus tôt.

La rencontre avait notamment été retardée de trente-sept minutes, les supporteurs ayant du mal à accéder à l’enceinte après avoir été canalisés dans des goulots d’étranglement surchargés. La police avait tiré des grenades de gaz lacrymogène en direction de milliers de supporteurs anglais coincés derrière des barrières métalliques. Ces derniers ont dû ensuite répondre à une série d’injustes accusations à la suite de ce chaos.

L’UEFA, l’instance dirigeante du football européen, a d’abord tenté de rejeter la faute sur les supporteurs arrivés en retard, alors que des milliers d’entre eux avaient été retenus pendant des heures à l’extérieur du stade. Les autorités françaises avaient aussi affirmé qu’une «fraude à l’échelle industrielle» de faux billets était à l’origine du problème. En 2023, le parquet de Bobigny avait estimé à «au moins 5 000», sur 79 000 places au Stade de France, les fraudes potentielles portant sur des billets ce soir-là. Cette dernière accusation des autorités, jugée mensongère, a été très mal perçue au Royaume-Uni.

Une enquête du Sénat a conclu qu’un dispositif de sécurité mal conçu était à l’origine de la pagaille. Sur quoi un rapport indépendant a affirmé que l’UEFA portait la «responsabilité principale» des défaillances ayant failli transformer le match en «catastrophe mortelle».

«Les forces de l’ordre ont failli à leur mission»

De nombreux supporteurs, dont des enfants, avaient exprimé leur traumatisme après cet événement, dont l’issue aurait pu être tragique. Pour nombre d’entre eux, ces scènes de chaos avaient rappelé la terrible bousculade du stade de Hillsborough en 1989, qui avait entraîné la mort de 97 d’entre eux. Au moins 80 plaintes de supporteurs anglais et espagnols pour vols et violences avaient été déposées après l’événement.

Saisie par des supporteurs de Liverpool, la Défenseure des droits, Claire Hédon, avait estimé en juillet 2024 que l’emploi de «moyens lacrymogènes» pour «empêcher les tentatives d’intrusion dans le stade» n’était «pas absolument nécessaire, ni adapté aux circonstances et a mis en danger les personnes légitimement présentes pour assister au match, qui étaient majoritaires».

Concernant les «agressions subies par les supporteurs aux abords du stade», la Défenseure des droits avait estimé que «les forces de l’ordre ont failli à leur mission de protection des personnes et des biens».

L’UEFA avait annoncé en mars 2024 avoir conclu un accord avec les supporteurs de Liverpool, qui réclamaient des indemnisations, pour les blessures physiques et mentales causées par les incidents du Stade de France. «Ce que je ne sais pas ce soir-là, c’est que l’essentiel de la difficulté ne vient pas des supporteurs anglais, […] mais des délinquants de Seine-Saint-Denis», a affirmé Gérald Darmanin lundi.