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Justice

«La bêtise du siècle» : l’homme interpellé après avoir allumé sa cigarette avec la flamme du soldat inconnu condamné à trois mois de prison avec sursis

L’homme de 47 ans, qui s’était servi en début de semaine du feu de la sépulture comme d’un briquet – suscitant une vive indignation sur les réseaux sociaux – comparaissait devant la justice ce vendredi.
L'homme de 47 ans comparaissait pour «violation de sépulture, tombeau, urne cinéraire ou monument édifié à la mémoire des morts». (Geoffroy Van Der Hasselt/AFP)
publié le 9 août 2025 à 8h14

Lorsqu’il s’est penché au-dessus de cette flamme, il ne savait pas exactement à quoi correspondait ce lieu sur lequel il se trouvait. Il avait seulement conscience de «son importance mémorielle». Mais, pris «d’une envie pressante de fumer», car il «fume beaucoup, oui beaucoup», et puisque tous les passants qu’il croisait sur son chemin lui répondaient ne pas avoir de briquet, il a agi «mécaniquement». «C’est seulement lorsqu’on m’a interpellé que j’ai compris que j’étais sur la tombe du soldat inconnu, et que c’est un endroit sain, qu’on ne doit pas salir», raconte Hakim H., mine défaite, au tribunal judiciaire de Paris ce vendredi 8 août, dans le cadre de sa comparution immédiate.

L’homme âgé de 47 ans, qui avait allumé lundi 4 août sa cigarette à l’aide du célèbre brasero installée sur la tombe du Soldat inconnu à Paris comparait pour «violation de sépulture, tombeau, urne cinéraire ou monument édifié à la mémoire des morts». A ce titre, il encourt jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.

«Quelque chose d’ignoble»

Ce geste que le prévenu qualifie lui-même comme «quelque chose d’ignoble», la «bêtise du siècle», s’est déroulé à quelques kilomètres du tribunal, au bout de l’avenue des Champs-Elysées, sous les voûtes de l’Arc de Triomphe. Les faits, filmés par une touriste, sont rapidement devenus viraux sur les réseaux sociaux en début de semaine. On apercevait le quadragénaire, bouteille à la main et cigarette au coin de la bouche, enjamber les barrières entourant la tombe du Soldat inconnu puis marcher sur la sépulture, s’accroupir et utiliser la flamme crépitante du souvenir en guise de briquet. Le tout sous les regards des touristes, et en ayant visiblement échappé à la surveillance du service spécialisé de la police nationale présent en permanence sur les lieux. L’homme repartait ensuite comme il était venu, très à son aise, en foulant la dalle de granit où l’on peut lire : «Ici repose un soldat français mort pour la Patrie.»

Un signalement à la justice avait dans la foulée été émis par le préfet de police ainsi que par la ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens Combattants, Patricia Mirallès. Il s’agit d’une «insulte à nos morts, à notre histoire, à notre Nation», avait-elle dénoncé sur X. Bruno Retailleau avait quant à lui annoncé vouloir retirer le titre de séjour de ce ressortissant marocain qui courait pourtant jusqu’au mois d’octobre 2025. Une demande qui n’a pas été mentionnée au tribunal ce vendredi.

Interpellé dès le lendemain des faits, le mis en cause – connu des services de police pour vol de voiture, dégradation ou encore injure publique – avait reconnu les faits lors de sa garde à vue. Ce vendredi, devant le tribunal, Hakim H., admet de nouveau qu’il a fait «du n’importe quoi». «Je n’aurais jamais, jamais, jamais dû m’approcher de cette plaque. Je le regrette amèrement, auprès de tous les Français, de tous les militaires», lâche ce père d’une famille de quatre enfants arrivé en France en 1987. Il ne parvient pas à finir sa phrase, et éclate en sanglot. Le conducteur de chantier, qui vit en Seine-Maritime le week-end et travaille à Paris la semaine – dormant alors «partout là où il peut» – s’excuse ensuite «mille fois auprès de tout le monde, les militaires, la justice».

«En état d’altération de discernement»

Devant le tribunal, la présidente indique que l’expertise psychologique menée après les faits a révélé une «polyaddiction, une addiction à l’alcool, un TDAH [troubles du déficit de l’attention, ndlr], ainsi que des troubles de l’humeur bipolaire». Toujours selon cette expertise, les faits commis par Hakim H. «s’inscrivent dans le cadre de ces troubles», puisque le mis en cause «se trouvait en état d’altération de discernement au moment des faits», souligne la présidente. Un test urinaire relèvera par ailleurs qu’il était positif à la méthadone, médicament utilisé dans le cadre d’un traitement bipolaire, au moment de cet allumage de cigarette qui a fait le tour des réseaux sociaux.

Le procureur juge à l’inverse que la consommation de ces psychotropes «ne peut pas amoindrir la lucidité» du prévenu. «Il prend des médicaments, mais il ne les prend pas pour amoindrir sa maladie qui est, elle, très réelle.» Et le magistrat de railler : «Même si un Martien débarquait demain à Paris et qu’il voyait un bouclier en bronze et une flamme entourée de personnes qui viennent le voir, on ne peut pas ignorer qu’il y ait un caractère sacré.»

Le sacré, Hakim H. ne voit maintenant plus que ça. Dans ses derniers mots adressés au tribunal, l’homme répète en boucle les mots de «regrets», «d’excuses» et de «conneries». Il ajoute qu’il aime regarder le défilé du 14 juillet à la télévision. Du «fond de son cœur», il s’excuse. Mais la prison, «ce n’est pas ce qui réglera [son] problème». Ce vendredi soir, il a été condamné à trois mois de prison avec sursis probatoire de dix-huit mois. Il doit également verser 1 euro symbolique au Centre des monuments nationaux, qui s’était constitué partie civile et avait porté plainte. Le procureur avait ainsi initialement requis une peine d’un an d’emprisonnement, dont dix mois avec sursis probatoire, avec mandat de dépôt.