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Justice

Jean-Charles Naouri, ancien PDG de Casino, jugé à partir de mercredi pour manipulation de cours de Bourse

L’ancien PDG du groupe français de grande distribution est soupçonné d’avoir manœuvré pour maintenir artificiellement le cours de l’action de Casino entre septembre 2018 et juin 2019. Sur le banc des prévenus également, trois de ses conseillers et l’éditeur de presse Nicolas Miguet.

Jean-Charles Naouri, ancien PDG du groupe Casino, et Dominique Schelcher, PDG de Système U. (Denis Allard/Libération)
Publié le 01/10/2025 à 6h35

Un procès phare pour le monde de l’économie. L’ex-patron de Casino pendant près de vingt ans, Jean-Charles Naouri, comparaît devant le tribunal correctionnel de Paris à partir de ce mercredi 1er octobre dans un procès pour manipulation de cours et corruption.

A ses côtés sur le banc des prévenus, quatre autres membres de l’ancienne équipe de Casino : trois hauts cadres de l’entreprise qui seront jugés pour les mêmes infractions, ainsi que l’éditeur de presse Nicolas Miguet qui devra pour sa part répondre de manipulation de cours en bande organisée, corruption privée passive, blanchiment de cette corruption et délit d’initié.

Tous encourent une peine de 500 000 euros d’amende et jusqu’à dix ans de prison, à la suite des résultats d’une enquête du Parquet national financier (PNF) qui avait pointé une manipulation de cours «orchestrée par Casino» de septembre 2018 à juin 2019. Jean-Charles Naouri et ses conseillers auraient à cette époque fait monter artificiellement le cours de Bourse de Casino, alors qu’il était tombé au plus bas, autour de 25 euros. La société était alors scrutée par les analystes financiers, qui s’inquiétaient de sa solvabilité, et pressée par les marchés de réduire son endettement.

«Feuilleton manipulatoire»

Pour ce faire, Nicolas Miguet aurait utilisé ses différents canaux de diffusion pour défendre le cours de Bourse de l’entreprise, notamment auprès d’actionnaires individuels. Il aurait ainsi tenté de faire diffuser auprès de la presse économique un projet de rapprochement entre Carrefour et Casino, en conseillant de vendre des titres Carrefour et d’acheter ceux de Casino. Le tout, selon l’enquête du PNF, sous couvert d’une convention de prestation de conseils de plus de 800 000 euros, sans informer le public de ces liens financiers qui rattachaient l’éditeur de presse au groupe Casino. Un agissement qualifié par le parquet «d’intention frauduleuse des dirigeants et cadres de Casino ainsi que de Nicolas Miguet dans la diffusion de leur “feuilleton manipulatoire”».

«C’est abracadabrantesque, car quelle personne raisonnable peut imaginer qu’il y a eu possibilité de manipulation de cours via un petit journal style l’Hebdo Bourseplus ?» avait réagi Nicolas Miguet en mars auprès de l’AFP, après l’annonce du procès qui se tiendra jusqu’au 22 octobre.

Demande de relaxe

Du côté de la défense de Jean-Charles Naouri, ses avocats avaient mis en avant en mars dernier des «attaques spéculatives virulentes auxquelles a dû faire face» l’entreprise durant cette période. Un «contexte exceptionnel» qui aurait, selon eux, «parfaitement justifié» que les dirigeants de Casino «aient souhaité que l’entreprise s’entoure de professionnels compétents dans leurs domaines respectifs», dans le but de «protéger tout simplement l’intérêt social du groupe». L’ancien PDG «conteste vigoureusement l’interprétation du PNF et aura l’occasion de s’en expliquer devant le tribunal», avaient-ils affirmé.

Quelques mois auparavant, en octobre 2024, la défense avait demandé qu’Alexandre Bompard, PDG du concurrent Carrefour depuis 2017, et Matthieu Pigasse, alors chez Lazard, banque qui conseillait Carrefour, soient entendus en qualité de témoins au cours de l’enquête du PNF. Ils ont été interrogés sur cette éventuelle tentative de rapprochement entre les deux enseignes de la grande distribution en septembre 2018.

A la veille du procès, les avocats de Jean-Charles Naouri, maîtres Olivier Baratelli, Nicolas Huc-Morel, Francis Teitgen et Eric Laut, réclament la relaxe de leur client.

«Le procès du passé»

Aux côtés des personnes physiques sur le banc des prévenus, une personne morale : le groupe Casino Guichard-Perrachon, qui a changé de mains en 2024, est également cité devant le tribunal pour manipulation de cours en bande organisée et corruption privée active.

«Le groupe a radicalement changé. Ce procès est le procès du passé», a commenté auprès de l’AFP un représentant de l’entreprise de grande distribution, rachetée en 2024 par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky au terme d’une restructuration spectaculaire de sa dette, devenue insoutenable.