Le sénateur Joël Guerriau, soupçonné d’avoir drogué en novembre 2023 la députée Sandrine Josso afin de la violer et qui doit être jugé dans quelques mois, va démissionner de son mandat de sénateur le 6 octobre, annonce-t-il ce samedi 20 septembre à API News, le média économique de Ouest-France.
L’élu centriste de Loire-Atlantique, qui siège au palais du Luxembourg depuis 2011, prétend toutefois que sa décision n’a rien à voir avec les faits de soumission chimique qui lui sont reprochés. Lors de sa réélection aux sénatoriales de 2023, il dit s’être engagé à céder son poste à la mi-mandat, à sa colistière Marie-Pierre Guérin, maire de la commune de La Meilleraye-de-Bretagne. Cela «permettra ainsi de renforcer la représentation des communes rurales au Sénat», plaide-t-il auprès d’API. D’après le média spécialisé dans l’économie, Marie-Pierre Guérin confirme cette version dans un courrier qui doit être envoyé aux maires du département nantais par Joël Guerriau.
Jusque-là, Joël Guerriau avait toujours exclu de démissionner de son poste de sénateur, même s’il s’était mis en retrait des travaux parlementaires, sous la pression de ses pairs.
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La députée Sandrine Josso a réagi avec véhémence à cette décision. «J’ai appris avec dégoût ce matin l’annonce de la démission prochaine de Joël Guerriau. Une décision qu’il présente comme le fruit d’un engagement personnel et non, selon lui, en lien avec l’affaire judiciaire extrêmement grave dans laquelle il est mis en examen», a estimé l’élue dans un communiqué. «Ce scénario n’abuse plus personne. Encore une fois, c’est l’agresseur qui choisit son calendrier, son récit, sa sortie. Il ne s’agit pas d’un acte de responsabilité ou de décence : il s’agit d’un repli stratégique, à quelques mois de son procès et après avoir largement profité des privilèges attachés à sa fonction», estime la députée de Loire-Atlantique.
Deux juges d’instruction ont ordonné en juin que le sénateur centriste comparaisse devant le tribunal correctionnel. Le procès est programmé les 26 et 27 janvier prochains. Joël Guerriau, 67 ans, est soupçonné d’avoir dilué de la MDMA à 91,1 % pure dans du champagne pour en faire consommer sa collègue du Parlement afin, d’après l’ordonnance des juges, «de commettre un viol ou une agression sexuelle». Il sera aussi jugé pour détention de stupéfiants.
«Joël Guerriau conteste les faits qui lui sont reprochés», ont réagi ses avocats, Henri Carpentier et Marie Roumiantseva. «L’enceinte judiciaire sera le lieu de la vérité, loin des caricatures et rumeurs propagées jusqu’à présent», ont-ils insisté. Sandrine Josso «est soulagée de cette décision qui reflète tout le sérieux de sa plainte», a de son côté commenté son avocat, Arnaud Godefroy.
Une lettre à Gérard Larcher
Peu après, le Sénat a fait savoir que son président, Gérard Larcher, avait sollicité la procureure de Paris pour obtenir une copie de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal, «afin d’être en mesure d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre du sénateur».
Joël Guerriau affirme par ailleurs à API qu’il va envoyer un courrier «en début de semaine prochaine» à Gérard Larcher : «J’ai deux ou trois choses à lui dire car son comportement n’a pas été toujours correct avec moi», déclare le sénateur Modem. «On m’a coupé de mes contacts et contraint à l’isolement chez moi, alors même qu’il fallait tenir compte de la présomption d’innocence», souligne-t-il.
Exclu Libé
Le 14 novembre, Sandrine Josso, députée MoDem de Loire-Atlantique aujourd’hui âgée de 49 ans, s’était rendue au domicile parisien de celui qu’elle considérait comme son «ami politique» pour célébrer sa réélection. Seule invitée, elle en était ressortie avec 388 ng /ml d’ecstasy dans le sang, d’après des analyses toxicologiques. Une dose «approchant le double» de la quantité dite «récréative», avait souligné le parquet, qui avait aussi requis son procès.
Ces analyses montraient également une absence de stupéfiants pendant les sept mois qui ont précédé cette soirée. Comment Sandrine Josso s’est-elle retrouvée, ce soir-là, avec autant d’ecstasy dans le sang ? La députée, qui souffre un an et demi après d’un stress post-traumatique, avait expliqué aux magistrats avoir été prise, après des premières gorgées, de «sortes de décharges» dans le cœur, et avoir vu Joël Guerriau «debout dans la cuisine» avec «un sachet blanc dans la main».
Elle avait raconté qu’il adoptait «un comportement bizarre», éteignant et rallumant plusieurs fois la lumière. Joël Guerriau avait expliqué, en garde à vue, avoir réalisé un «tour de magie». «Terrorisée», Sandrine Josso avait commandé un taxi, sans qu’il n’y ait eu de contact physique avec son hôte.
«Point de vente ghb»
Si «aucun geste d’intimité ou à caractère sexuel n’a été relaté», les magistrats instructeurs estiment que les «agissements» du sénateur centriste étaient «compatibles avec ceux d’une personne ayant une intention sexuelle», dans un cadre voulu «à tout le moins intimiste».
Soupçons appuyés par les recherches en ligne effectuées par Joël Guerriau : «point de vente ghb, achat ghb gbl, où se procurer de l’ecstasy». L’élu de Loire-Atlantique s’est «renseigné sur les différentes drogues facilitant le passage à l’acte en passant outre le consentement», ont relevé les juges. Lui assure s’être informé car il était inquiet pour la fille d’un proche. Il a aussi affirmé avoir voulu consommer le produit, qu’il pensait être un «tranquillisant», mais avoir fait une «erreur de manipulation» des coupes.
Sauf que les enquêteurs n’ont pu vérifier ses dires : il a refusé de communiquer l’identité «du collègue» lui ayant donné le produit. Par ailleurs, les magistrats ont estimé «improbable» que Joël Guerriau, élu et par ailleurs «anxieux» pour sa santé, ait envisagé de consommer un produit «sans s’interroger sur sa composition».
Mise à jour : à 17 h 46, avec l’ajout de la réaction de Sandrine Josso.