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Jouyet et Romanet condamnés pour des contrats de complaisance avec Alain Bauer alors qu’ils dirigeaient la Caisse des dépôts et consignations

Des peines de prison avec sursis et de lourdes amendes ont été prononcées par le tribunal correctionnel de Paris à l’encontre des deux ex-dirigeants de la CDC. Peu après l’annonce de sa condamnation, le criminologue Alain Bauer a posté un message inquiétant sur sa page LinkedIn.
Augustin de Romanet, 63 ans, a été condamné à huit mois de prison avec sursis et 200 000 euros d’amende. (Bertrand Guay/AFP)
publié le 5 mars 2025 à 18h11
(mis à jour le 5 mars 2025 à 18h39)

Le PDG sur le départ d’Aéroports de Paris (ADP), Augustin de Romanet, le haut fonctionnaire Jean-Pierre Jouyet, tous deux anciens dirigeants de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), ainsi que le criminologue Alain Bauer ont été reconnus coupables de «favoritisme» et «recel» ce mercredi 5 mars à Paris. Augustin de Romanet, 63 ans, a été condamné à huit mois de prison avec sursis et 200 000 euros d’amende, tandis que Jean-Pierre Jouyet, 71 ans, a été condamné à une amende de 30 000 euros. Le tribunal correctionnel de Paris a, en revanche, relaxé les deux hauts fonctionnaires du chef de «détournement de fonds publics».

Les deux anciens dirigeants de la CDC, absents à l’audience, étaient poursuivis pour des contrats conclus avec les sociétés du criminologue, alors qu’ils étaient à la tête de l’institution, de 2007 à 2012 pour Augustin de Romanet et de 2012 à 2014 pour Jean-Pierre Jouyet.

Reconnu coupable de recel de favoritisme, le médiatique Alain Bauer, 62 ans, également absent à l’audience, a été condamné à douze mois de prison avec sursis et 375 000 euros d’amende, soit l’amende la plus élevée prévue par la loi pour ce délit. Le tribunal a, en outre, condamné Alain Bauer à une peine d’exclusion des marchés publics pour une période de trois ans.

Le président de la 32e chambre du tribunal correctionnel a dénoncé «la désinvolture» dont a fait preuve Alain Bauer durant son procès, justifiant la sévérité de la peine par «le risque de récidive». L’ancien PDG de la filiale internationale de la CDC, Laurent Vigier, a été condamné à six mois de prison avec sursis et 30 000 euros d’amende.

Conseils oraux et commande de guides gastronomiques

Une enquête du Parquet national financier (PNF) avait été ouverte après la publication, en novembre 2014, d’un article de Mediapart révélant qu’Alain Bauer avait, les années précédentes, profité de contrats de complaisance auprès de la CDC. Les investigations avaient mis au jour six contrats conclus avec la CDC ou la CDC internationale, dirigée à l’époque par Laurent Vigier, et les sociétés AB conseil ou AB Associate, pour 650 000 euros sous la direction d’Augustin de Romanet et 275 000 euros sous celle de Jean-Pierre Jouyet, soit au total 925 000 euros «hors taxes».

Pour l’accusation, ces contrats de «conseil et d’assistance en sûreté et en préparation de gestion de crise» auraient dû faire l’objet d’une mise en concurrence ou d’une publicité. Le PNF estimait aussi que les prestations fournies par Alain Bauer, principalement des conseils oraux, étaient insuffisantes. La Cour des comptes a qualifié la prestation rendue par les sociétés du criminologue «d’incertaine et à l’utilité contestable et onéreuse».

L’enquête avait également mis en avant la commande par la CDC, en 2010 et 2011, quand Augustin de Romanet était aux commandes, de guides gastronomiques Champérard à offrir en cadeau annuel aux agents de la CDC et à des élus. Le montant de ces achats, sans mise en concurrence préalable, s’était élevé à 333 596 euros. Or Alain Bauer était directeur et actionnaire à 50 % de la société commercialisant ces guides gastronomiques.

Un acte désespéré évité de justesse

Au cours du procès, le patron d’ADP a dû, en outre, s’expliquer sur deux contrats conclus par le groupe aéroportuaire avec AB Conseil (89 700 euros versés en 2013) et X Diagnostic (30 000 euros en 2015), une société représentée par un autre criminologue, Christian de Bongain, plus connu sous le nom de Xavier Raufer. Le tribunal a condamné Christian de Bongain à une amende de 30 000 euros.

Ce mercredi, quelques minutes après l’annonce de la condamnation d’Alain Bauer, un message inquiétant, aux allures de lettre d’adieu dans laquelle il clame à nouveau son innocence, est apparu sur sa page LinkedIn. Contactée par Libération, la préfecture de police de Paris confirmait une intervention dans un hôtel parisien, ayant permis d’éviter un acte désespéré du criminologue. Face à l’émoi suscité chez ses milliers d’abonnés, un nouveau message était posté aux alentours de 16 h 30 : «Je découvre vos envois. Rassurez-vous tout va bien. A bientôt.»

Droit de réponse de M. Augustin de ROMANET de Beaune :

L’article intitulé «Jouyet et Romanet condamnés pour des contrats de complaisance avec Alain Bauer alors qu’ils dirigeaient la Caisse des dépôts et consignations» appelle, au regard de la décision rendue par le tribunal judiciaire de Paris ce 5 mars 2025, les mises au point et réponses suivantes : - Le tribunal a, dans sa décision publiquement rendue, expressément écarté toutes allégations de «contrats de complaisance», jugeant que ni les contrats ni les prestations, dont était établie la réalité de l’exécution, n’avaient le moindre caractère fictif et qu’ils ne constituaient en aucun cas des «contrats de complaisance». C’est en conséquence de ce raisonnement qu’était prononcée la relaxe de l’ensemble des personnes poursuivies du chef de détournement de fonds publics ; - Le tribunal a explicitement motivé sa décision en référence au fait qu’en dépit des allégations relayées, notamment, par voie de presse, il n’était aucunement démontré qu’Augustin de ROMANET ait poursuivi un quelconque intérêt personnel, direct ou indirect, de ces mêmes faits. Augustin de ROMANET n’était, du reste, ni poursuivi ni condamné pour des faits qualifiés de recel d’une quelconque infraction.