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Libération
Verdict

Jugée pour «l’assassinat» de son mari violent, Valérie Bacot ressort libre

Ce vendredi, à l’issue d’une semaine de procès, la quadragénaire a été condamnée à quatre ans de prison, dont trois assortis d’un sursis probatoire. Une peine qui fera date, notamment grâce à l’évocation du syndrome de la femme battue.
Valérie Bacot à la sortie du tribunal de Chalon-sur-Saône au dernier jour de son procès, ce vendredi. (Jeff Pachoud/AFP)
publié le 25 juin 2021 à 20h48

L’émotion est immense. Les quatre enfants de Valérie Bacot se sont précipités vers elle pour l’entourer dès la fin de la lecture du verdict. Ce vendredi, la quadragénaire a été condamnée à quatre ans de prison, dont trois assortis d’un sursis probatoire. La cour d’assises de Saône-et-Loire où elle était renvoyée a reconnu Valérie Bacot coupable d’avoir tué son mari et a retenu l’altération du discernement. Elle était jugée depuis lundi pour «l’assassinat» de son mari violent, qui a d’abord été son beau-père et la violait depuis ses 12 ans. Elle risquait la perpétuité. Valérie Bacot a déjà effectué un an de détention provisoire, en 2017, et a pu ainsi ressortir libre du palais de justice de Chalon-sur-Saône, au terme d’un procès extrêmement éprouvant, largement relayé dans la presse internationale.

Parmi les motivations lues par la présidente de la cour, Céline Therme, les jurés ont retenu l’atteinte à la vie de Daniel Polette, les circonstances de l’enterrement du corps et le secret gardé pendant 18 mois. La peine peut paraître «clémente» au regard des faits reprochés. Mais la cour a également pris en compte le «syndrome de la femme battue» évoqué par l’expert psychiatre, et les efforts réalisés par l’accusée pour se soigner, travailler, exercer ses responsabilités maternelles. Dans ce moment très solennel, les enfants âgés de 15 à 22 ans, collés serrés sur un banc, ont du mal à dissimuler leur euphorie. «C’est fini ! C’est fini!», murmurent quelques proches par dessus leurs épaules. Leur maman est sortie de la salle d’audience, toute chancelante, bras dessus, bras dessous avec ses avocates, suivies par tous ses proches et des membres de son comité de soutien, pendant que son fils aîné tirait joyeusement l’énorme valise grise prévue en cas d’incarcération. Sur le parvis du palais de justice, elle est accueillie par un tonnerre d’applaudissement.

«Syndrome de la femme battue»

Toute la semaine, les témoins ont défilé à la barre pour raconter «le monstre» qu’était Daniel Polette. Jeudi, Denis Prieur, expert psychiatre avait expliqué à la cour que la situation d’emprise dans laquelle se trouvait Valérie Bacot correspondait au «syndrome de la femme battue». «Elle était devenue une marionnette dans les mains de son époux», a insisté celui qui l’a rencontrée quelque temps après son arrestation en octobre 2017. «Aucune échappatoire n’est laissée au sujet aliéné. La seule possibilité est de détruire le sujet aliénant», a-t-il encore expliqué. Laurence François, une psychologue qui a également suivi Valérie Bacot, a de son côté évoqué le «syndrome de Stockholm», rappelant que Valérie «était surveillée en permanence […] C’était le règne de la terreur».

Le verdict est un tout petit peu moins sévère que les réquisitions de l’avocat général, qui avait demandé un peu plus tôt dans la matinée une peine de cinq ans de prison dont quatre ans avec sursis. Dans une démonstration limpide et éclairée, Eric Jallet, dont le rôle est de représenter la société, a ainsi expliqué qu’il était nécessaire de «fixer l’interdit sans réincarcérer». Selon lui, Valérie Bacot était «une victime, très clairement». «Une cour d’assises, c’est l’affirmation des valeurs de la civilisation qui sont d’abord de protéger la vie. Une société qui se fait justice soi-même, c’est la guerre des uns contre les autres», a-t-il alors déclaré avant de souligner que «la dangerosité criminologique [de l’accusée] était très faible». «La peine doit accompagner plutôt que de retirer à nouveau», a-t-il insisté. Depuis sa sortie de détention provisoire, Valérie Bacot travaille comme peintre dans le bâtiment.

Après les débats, ses derniers mots ont été pour ses trois fils et sa fille. «J’ai hâte d’être avec eux.» Lors de l’audience civile qui a suivi, la juge a estimé qu’il n’y avait «pas lieu de lui retirer l’autorité parentale» pour son dernier fils encore mineur, âgé de 15 ans. Il s’apprête à passer le brevet. «C’est un week-end de révision qui nous attend», a-t-elle dit, visiblement bouleversée, après l’énoncé du verdict. Ses enfants se sont immédiatement jetés dans ses bras. «Je voudrais remercier la cour», a-t-elle dit, la voix tremblante, avant d’ajouter : «C’est un nouveau combat maintenant pour toutes les autres femmes et toutes les maltraitances».