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Justice

Kemi Seba a été arrêté pour des soupçons de «liens» avec le groupe paramilitaire russe Wagner

Des sources proches du dossier ont précisé ce vendredi 18 octobre que le militant panafricain a été placé en garde à vue en début de semaine à la demande de la DGSI, pour des soupçons d’ingérence étrangère.
Kémi Séba en conférence de presse à Paris le 26 juin 2020. (Stéphane de Sakutin/AFP)
publié le 15 octobre 2024 à 17h09
(mis à jour le 18 octobre 2024 à 12h32)

La raison de son interpellation restait jusqu’à présent mystérieuse. Le panafricaniste béninois Kemi Seba, placé en garde à vue de lundi à mercredi à Paris, a en fait été interrogé par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) pour des soupçons de «liens» avec le groupe paramilitaire russe Wagner, a fait savoir ce vendredi 18 octobre une source proche du dossier, confirmant une information de Mediapart. Autre révélation : l’enquête ayant abouti à sa garde à vue a été lancée à «l’initiative de la DGSI», a précisé à l’AFP une autre source proche du dossier.

Aucune poursuite n’a néanmoins été engagée à ce stade, a informé le parquet de Paris jeudi 17 octobre. Le ministère public avait précisé le même jour que des «investigations sur l’infraction d’ingérence étrangère se poursuivent dans le cadre de l’enquête préliminaire», contre l’homme connu pour ses virulentes prises de position anti-occidentales et proche de Dieudonné.

Selon l’avocat, Juan Branco, qui a vivement dénoncé cette garde à vue, Kemi Seba était interrogé dans le cadre d’une enquête ouverte pour «intelligences avec une puissance étrangère […] en vue de susciter des hostilités ou des actes d’agression contre la France» - une infraction criminelle passible de trente ans d’emprisonnement, a-t-il ajouté. A cela, s’ajoutent des suspicions «d’entretenir des intelligences avec une puissance étrangère […] de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation», passible de dix ans d’emprisonnement. Avec ces chefs d’ouverture d’enquête, sa garde à vue aurait pu durer jusqu’à 96 heures.

Mercredi après-midi, son avocat a fustigé une interpellation «violente» dans la rue alors que Kemi Seba, de passage à Paris avec un passeport diplomatique du Niger, était en France notamment pour voir «son père» malade. «On est face à une situation extrêmement inquiétante» avec une «criminalisation d’un opposant politique et d’un intellectuel», s’est indigné Juan Branco.

«Relais de la propagande russe»

De son vrai nom Stellio Gilles Robert Capo Chichi, le panafricaniste béninois a été le leader de la Tribu Ka, un groupuscule qui revendiquait son antisémitisme et prônait la séparation entre noirs et blancs avant d’être dissous par le gouvernement français en 2006. Déchu de sa nationalité en juillet, le Béninois a été condamné plusieurs fois en France pour incitation à la haine raciale. En 2014, il avait déjà été arrêté puis incarcéré pour une condamnation qu’il n’avait pas exécutée.

Ces dernières années, Kémi Seba, 42 ans, a organisé ou participé à plusieurs manifestations hostiles au franc CFA en Afrique, où il a été régulièrement interpellé, expulsé ou refoulé, notamment de Côte d’Ivoire, du Sénégal et de Guinée. En France, il a été accusé en 2023 par le député Renaissance Thomas Gassilloud, alors président de la commission de la défense de l’Assemblée nationale, d’être un «relais de la propagande russe» et de servir «une puissance étrangère qui alimente le sentiment antifrançais».

En mars 2024, la préfecture du département de l’Essonne avait tenté d’interdire une de ses conférences, en raison des «troubles à l’ordre public». Dans la foulée, Kémi Seba avait publié en ligne une vidéo où il brûlait un document qu’il désignait comme étant son passeport français, alors même qu’il était visé par une procédure de déchéance de nationalité, selon France 24. Quelques mois après, le 8 juillet, le Journal officiel a annoncé que la nationalité française lui avait été officiellement retirée.

Kémi Seba dispose depuis début août d’un passeport diplomatique du Niger délivré par la junte, en sa qualité de conseiller spécial du chef du régime militaire au pouvoir à Niamey, le général Abdourahamane Tiani. Il est également à la tête du groupe Urgences panafricanistes, «une organisation de défense des droits des noirs, géopolitico-humanitaire», fondée en 2025 et qui dispose d’une certaine aura sur les réseaux sociaux. Il est suivi par près d’un million et demi de personnes sur Facebook et de 250 000 sur X.

Mise à jour : ce vendredi 18 octobre à 12h32, avec l’ajout des déclarations des sources proches du dossier concernant Wagner et la DGSI.