C’est une première, après de nombreuses demandes restées vaines. Quinze jours après la décision d’une juge d’application des peines du tribunal judiciaire de Béthune, qui déclarait «contraires à la dignité de la personne humaine» les conditions de détention de Rédoine Faïd, mais dont le parquet avait fait appel, la justice vient de confirmer l’indignité des conditions de détention du braqueur multirécidiviste, placé à l’isolement depuis 12 ans et actuellement incarcéré à la prison ultra-sécurisée de Vendin-le-Vieil.
«Je suis forcément content, car c’est ce que l’on dénonce depuis des années, mais en même temps catastrophé, a réagi auprès de Libération son avocat Benoît David. Car ce que signifie cette décision, c’est que les conditions de détention de M. Faïd sont bien contraires à la dignité humaine. Il subit un traitement inhumain et dégradant, avec tout ce que ça veut dire de douleurs psychiques, au-delà de la seule privation d’aller et venir. La peine de prison n’est plus seulement privation de liberté, mais devient une torture.»
«Dégradation de la santé»
Dans cette décision majeure consultée par Libération, les juges de la cour d’appel de Douai relèvent que «la majorité des pistes d’amélioration» n’ont pas été mises en place par l’établissement pénitentiaire de Vendin-le-Vieil, depuis décembre 2024 et une première ordonnance de la cour, qui rejetait la levée de l’isolement de Rédoine Faïd, estimant que «des correctifs» pouvaient être apportés.
Or plusieurs professionnels de santé «attestent d’une détérioration sensible de l’état psychosomatique» du prisonnier de 53 ans, «en lien au moins partiel avec ses conditions actuelles de détention». Ainsi, notent encore les juges, les aménagements «possibles et souhaitables» n’ont pas été fournis «pour compenser la dégradation de la santé de la personne détenue occasionnée par l’isolement prolongé et la privation prolongée de parloirs ordinaires».
L’administration pénitentiaire a désormais un mois, à compter de ce lundi 21 juillet, «pour mettre fin à ces conditions de détention, par tout moyen», est-il écrit dans l’ordonnance de la chambre d’application des peines de la cour d’appel de Douai. Un rapport d’information «sur les mesures prises ou proposées à la personne détenue» devra être adressé au juge de l’application des peines de Béthune «au plus tard le 21 août 2025», précise la décision. Celle-ci peut faire l’objet d’un pourvoi en Cassation dans les cinq jours, mais ce recours n’est pas suspensif.
Régime d’isolement très drastique
«C’est à l’administration pénitentiaire de décider des aménagements qu’elle va mettre en place, explique Me David, spécialiste du droit pénitentiaire. Cela peut être la levée de l’hygiaphone, la levée de l’isolement ou même un transfert de mon client vers un établissement où il exécutera sa peine en détention dite normale. Il y a plein de possibilités pour faire en sorte que la détention de Rédoine Faïd ne soit plus indigne.»
Alors que les premiers transferts des 100 narcotrafiquants vers Vendin-le-Vieil débuteront ces jours-ci, le pénaliste voit aussi dans cette décision un espoir : «Le nouveau régime mis en place par la loi narcotrafic est assez proche de celui de M. Faïd. A l’avenir, ceux qui seront transférés au quartier de lutte contre la criminalité organisée pourront saisir le juge judiciaire pour faire constater l’indignité de leurs conditions de détention», espère Benoît David, conseil de Mohamed Amra et d’autres trafiquants de drogue.
Depuis sa deuxième cavale en 2018, le «roi de la belle», qui s’était déjà évadé une première fois en 2013, est soumis à un régime d’isolement très drastique. Sa cellule, de 7-8 m², est privée de lumière naturelle depuis l’installation, fin mai, d’une deuxième grille à la fenêtre. Une mesure de sécurité qui «aggrave encore le manque de luminosité dont [Rédoine Faïd] souffre de longue date», soulève l’ordonnance. Lors des parloirs avec ses proches, le détenu est séparé de ceux-ci par une vitre. Il ne dispose pas non plus d’accès aux unités de vie familiale. Au cours «des dernières années», son comportement est pourtant «exempt de critiques» et qualifié «d’exemplaire», soulignent encore les juges. Sa date de fin de peine est fixée au 17 août 2057.
Mis à jour à 18 h 18 avec l’évocation des transferts de détenus vers la prison de haute sécurité de Vendin-le-Vieil.