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Manifestation

La marche du 21 avril contre le racisme interdite par la préfecture de police de Paris

Craignant des troubles à l’ordre public et des slogans antisémites, Laurent Nuñez a interdit une marche «contre le racisme, l’islamophobie et pour la protection des enfants», soutenue par des militants antiracistes, des mouvements de gauche et des familles de victimes de violences policières.
Manifestation contre les violences policières et le racisme systémique à Paris le 19 mars 2017. (Martin Colombet/Libération)
publié le 18 avril 2024 à 16h03

Qu’est-ce qui peut réunir La France insoumise, Angela Davis et le Planning familial ? Apparemment, une «marche contre le racisme, l’islamophobie et pour la protection des enfants», puisque le parti, la militante et l’association ont, comme des dizaines d’autres personnalités et structures, signé l’appel à cette manifestation. Elle était prévue le dimanche 21 avril, à Paris, entre le quartier populaire de Barbès et la place de la République, où devait ensuite se tenir un concert gratuit. A la manœuvre : la militante contre les violences policières Amal Bentounsi (dont le frère Amine a été tué par la police en 2012) et la militante décoloniale Yessa Belkhodja, soutenues lors de la déclaration en préfecture par l’association Attac et le Nouveau Parti anticapitaliste.

Brocante et match

Mais, par un arrêté pris ce jeudi 18 avril, le préfet de Paris, Laurent Nuñez, a interdit cette manifestation : pour des considérations matérielles, comme la tenue le même jour d’une brocante sur la place de la République ou la nécessité d’employer des forces de l’ordre pour sécuriser, le soir, le match PSG-Olympique lyonnais ; et pour des craintes par anticipation. «Cette marche qui dénonce notamment dans son appel des «crimes policiers» à l’encontre des jeunes est propice à attirer des composantes recherchant délibérément les affrontements avec les forces de l’ordre, créant un risque réel de troubles à l’ordre public», estime la préfecture de police de Paris.

De plus, la manifestation est centrée sur l’enfance. Selon son sous-titre, elle était organisée «en mémoire de toutes les jeunes victimes de crimes policiers, judiciaires et carcéraux». Mais l’appel à la marche fait le pont avec les «enfants de Gaza, maltraités, emprisonnés, tués par milliers». Ce qui pousse la préfecture à écrire «que cette marche, en souhaitant également porter l’attention sur les enfants de Gaza, est de nature, eu égard aux tensions actuelles au Proche-Orient […], à porter en son sein des slogans antisémites».

«Que fait l’Etat ?»

Dernier point d’inquiétude de la préfecture : le concert, qui devait notamment réunir, en plus de Kery James, les rappeurs Médine et ceux du groupe Sniper. Un événement «susceptible d’attirer, par son caractère gratuit, un nombre significatif de spectateurs», écrit Laurent Nuñez, qui considère que «la procédure contradictoire n’a pas permis de démontrer que la sécurité du concert et de ses alentours avait été bien prise en compte par ses organisateurs en cas de débordements».

«L’interdiction de notre marche, comme celle de la conférence de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan ce soir à Lille, sont le signe […] qu’un basculement est en cours. Il est plus que jamais vital que l’ensemble des organisations du mouvement social, comme toutes les consciences du pays, en prennent la mesure et s’organisent en conséquence. La question se pose à toutes et à tous : est-ce que nous souhaitons voir nos enfants grandir dans un Etat policier ?» s’interrogent Amal Bentounsi et Yessa Belkhodja dans un communiqué en réaction à l’arrêté préfectoral, qu’elles prévoient de contester devant la justice administrative.

Au cours d’une conférence de presse, jeudi matin, elles précisaient que leur manifestation avait pour but de dénoncer «les racismes en général que subissent nos enfants, qu’ils émanent de l’éducation nationale ou de la police». Au même moment, en écho aux révoltes des quartiers populaires consécutives à la mort de Nahel Merzouk l’été dernier et aux derniers drames impliquant des affrontements en jeunes, Gabriel Attal discourait sur le besoin d’autorité de la jeunesse, et promettait de durcir la répression de celles et ceux qui tenteraient de s’y soustraire, ou de sanctionner leurs parents. «Bien sûr qu’éduquer ses enfants est un devoir. Mais quand les parents ont des difficultés eux-mêmes, comment les aider ? Que fait l’Etat pour les accompagner ?» répondait Amal Bentounsi quand on l’interrogeait sur la position du Premier ministre. Et la militante d’ajouter : «Comment dire à nos enfants d’aimer un pays où l’on fait croire que tous les maux de la société sont le fait des musulmans, des banlieusards, des racisés ou des familles monoparentales ?»

Mise à jour à 17h42 : ajout d’un extrait du communiqué en réaction à l’arrêté préfectoral.