Dans les dortoirs de la maison d’arrêt de Saint-Pierre (la Réunion), les détenus ont tendu des draps pour se protéger des dépôts de salpêtre qui tombent sur leurs lits. A Grenoble-Varces, certains dorment dans des cellules dont les fenêtres sont cassées ou inexistantes. A Rouen, une coursive de la maison d’arrêt s’est effondrée en novembre 2023, conséquence du manque chronique d’entretien et des infiltrations d’eau.
Dans un avis «relatif à la vétusté des établissements pénitentiaires», publié ce mercredi 15 octobre, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) dresse un tableau cauchemardesque. Fruit d’un travail de plusieurs années, il désigne cette vétusté comme «facteur central de l’indignité des conditions de détention».
Une «approche réductrice»
Si 40 % du parc immobilier de l’administration pénitentiaire française a été mis en service avant 1940, c’est surtout l’absence d’entretien qui est pointée du doigt par Dominique Simonnot, la contrôleuse générale. Elle rappelle que 35 rapports de visite réalisés entre 2020 et 2024 avaient déjà alerté sur l’état de délabrement des prisons. Malgré ces signalements répétés, une «inertie persistante de l’Etat» aggraverait les conditions de détention.
Le rapport mentionne quelques rénovations ponctuelles, mais souligne une «approche réductrice» et un «manque de vision à long terme» face aux problèmes systémiques de vétusté et de surpopulation. «Je vous écris de ma cellule où je respire du salpêtre, des éclats de peinture au plomb et à l’amiante», témoigne un détenu. Le CGLPL recommande donc «impérativement» un diagnostic approfondi pour chaque établissement.
A ce sujet, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a répondu le 21 août qu’il envisageait, au sein du projet de loi de finances de 2026, une nouvelle enveloppe de crédits spécifique pour la rénovation des sites les plus vétustes. Mais, à présent, il affirme que «les crédits inscrits au budget de l’Etat ne permettent pas de financer tous les travaux faisant l’objet de diagnostics et d’études approfondies».
Surpopulation et dégradation
«La situation se dégrade, dénonce un détenu dans le rapport, peut-être à cause de la chaleur étouffante. Toujours la présence de ces punaises de lit pleines de sang. D’autant plus que je dors au sol. Nous sommes trois dans 9 m2.»
Selon l’avis du CGLPL, certains établissements, dont le taux d’occupation dépasse les 200 %, sont particulièrement exposés aux risques liés à la dégradation des bâtiments. Ainsi, un double mouvement de détérioration s’installe : d’une part, il devient presque impossible pour les détenus de trouver des solutions ingénieuses pour répondre même partiellement à l’urgence – monter des abris, bricoler des protections –, d’autre part, les rares cellules disponibles se dégradent davantage à force d’accueillir trop de prisonniers.
Pour le ministre de la Justice, le plan d’urgence immobilier lancé en avril, visant à «améliorer la différenciation des profils de détenus et les conditions d’incarcération dans des délais accélérés», devrait apporter une réponse. Ce plan prévoit notamment la construction modulaire de 1 500 places supplémentaires grâce à des structures préfabriquées assemblées sur place. Quant aux bâtiments anciens, leur avenir reste incertain.