Le mystère durait depuis l’été dernier. Une partie a été levée. Dans un communiqué diffusé ce dimanche 31 mars, le procureur d’Aix-en-Provence annonce que des ossements du petit Emile, âgé de 2 ans et demi, ont été découverts samedi «à proximité du hameau Vernet», là où il avait disparu le 8 juillet 2023, sans laisser l’ombre d’une trace derrière lui.
«Le 30 mars 2024, la gendarmerie nationale était informée de la découverte d’ossements à proximité du hameau Vernet, annonce le communiqué. Les enquêteurs prenaient possession des ossements immédiatement transportés à l’IRCGN [Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, ndlr] afin de faire procéder à des analyses d’identification génétique qui permettaient de conclure ce 31 mars qu’il s’agissait des ossements de l’enfant Emile S.»
L’IRCGN de Pontoise «poursuit les analyses criminalistiques sur les ossements et la gendarmerie nationale se consacre à déployer des moyens pour entreprendre des recherches complémentaires sur la zone géographique où ils ont été retrouvés», a poursuivi le procureur d’Aix-en-Provence, Jean-Luc Blachon, sans donner d’éléments sur la cause du décès de l’enfant. Les ossements ont été trouvés «très près du Haut-Vernet», indique une source. Des fouilles et des battues avaient été réalisées à cet endroit.
«Si cette nouvelle déchirante était redoutée, l’heure est au deuil, au recueillement et à la prière», ont réagi les parents d’Emile, par l’intermédiaire d’un communiqué de leur avocat, Jérôme Triomphe, en précisant qu’«il n’y aura pas d’autres déclarations» de leur part. L’avocate des grands-parents d’Emile, Me Isabelle Colombani, ne communique pas «par respect pour la famille, surtout le week-end de Pâques». Les proches d’Emile sont de fervents catholiques. «On va laisser passer ce week-end de Pâques et après on verra», dit-elle simplement. Ses clients ont appris la découverte ce dimanche, directement de la voix des enquêteurs.
Un hameau retourné de fond en comble
L’enquête court depuis près de neuf mois. Les recherches repartent inlassablement de la même rue pentue. Celle-ci même où le garçonnet s’est volatilisé le 8 juillet. Emile commençait ses vacances d’été. Il était déposé quelques heures auparavant par ses parents chez ses grands-parents. Le Haut-Vernet est le point de ralliement. C’est ici que la famille passe les beaux jours. Il y a la résidence secondaire en pierres. Il y a une chapelle pour les prières. Il y a le court de tennis, la piscine municipale et les deux cabanes en bois pour se distraire. Emile se réveille de la sieste. Il marche dans cette ruelle. Deux témoins le voient pour la dernière fois vers 17 h 15, entre la maison familiale et le petit lavoir. Passé 18 heures, la grand-mère appelle les secours. Emile a disparu.
Famille, voisins et témoins ont rejoué cette journée du 8 juillet. Tous participaient à une mise en situation jeudi. Seulement deux jours avant la découverte du corps, 17 personnes étaient convoquées par la justice au Haut-Vernet. Sous la neige et la pluie, ils ont dû raconter, minute par minute, pas à pas, cette journée d’été. Est-ce ce «transport sur les lieux» qui a été déterminant ? Est-ce le hasard d’une randonnée ? Un animal qui a fouillé ? Ou bien est-ce la mauvaise météo de ces derniers jours qui a fait raviner les ossements ?
Le Vernet avait pourtant été retourné. Des recherches de fond en comble. Les premières heures, les autorités ont dépêché un hélicoptère et des chiens experts. Pas de trace d’Emile. Les premiers jours, les habitants ont participé à d’immenses battues. Pendant de longues semaines, des médiums ont fait tourner leurs pendules. Pendant d’interminables mois, des perquisitions ont été menées, des étangs fouillés, des dalles creusées. Une enquête judiciaire pour «enlèvement et séquestration» est ouverte. Toujours rien. Jusqu’à ce week-end de Pâques où des ossements ont été retrouvés à proximité du Haut-Vernet. Si la découverte du corps est un tournant, ce n’est pas encore le dénouement. Reste à savoir comment Emile est mort. Et qui est impliqué.
«On ne sait toujours pas qui»
Le hameau vit en huis clos. Une seule rue mène au Haut-Vernet, et elle se termine en impasse. Au cours de l’enquête, aucune garde à vue n’a été menée. Seul le profil du grand-père a fuité dans la presse. D’après le Canard enchaîné, Philippe V. a été impliqué dans une affaire de maltraitance dans une communauté catholique du Pas-de-Calais il y a une trentaine d’années. Il avait la garde du garçonnet le 8 juillet.
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Joëlle est l’épouse du maire du Vernet. Tout l’été, elle a accueilli les bénévoles qui cherchaient Emile. Elle levait chaque doute : c’est elle qui est allée voir au sous-sol de l’église, c’est elle qui a vérifié les tombes du cimetière. Il fallait chercher partout. «J’ai juste envie de pleurer. Ça fait huit mois de tension, dit-elle après la découverte des ossements. On n’a toujours pas la réponse de ce qu’il s’est passé. Il faut attendre. Peut-être que quelque chose s’est passé lors de la mise en situation ?» Elle poursuit : «Je suis soulagée pour la famille. Mais on ne sait toujours pas qui.» C’est la deuxième énigme du Vernet.
Le village a vécu au rythme de l’enquête. A chaque fouille, à chaque interrogatoire, la presse débarquait au Vernet. La dernière fois, c’était pour la mise en situation : 40 journalistes ont fait le déplacement. Même une télé allemande : «La disparition d’un enfant, ça touche les gens. Ce sentiment ne s’arrête pas aux frontières», analysait Me Isabelle Colombani. Ce dimanche, à la réception du seul hôtel de la commune, les coups de téléphone s’enchaînent. «Je viens de l’apprendre car des journalistes appellent pour réserver des chambres, c’est malheureux, il n’y a pas grand-chose à dire, estime-t-on. Avec ça, on peut avoir l’espoir d’un dénouement.» Les quelques habitants qui vivent à l’année sont taiseux. Que reste-t-il à raconter ? Quelle légitimité pour commenter ? Quelle hypothèse envisager ? Les enquêteurs ont étudié la piste de l’accrochage avec un tracteur, de l’accident domestique, du drame familial, de l’enlèvement crapuleux et même de l’appétit animal.
Le Vernet pourrait être un coin tranquille. Coincé entre une route départementale et une barre rocheuse, le village compte 300 résidences secondaires. On peut randonner sur les sentiers du GR69, faire des balades en âne et dormir au camping. Il y a des lapins qui gambadent sur le parking de l’hôtel. L’été, on fête les activités pastorales : la transhumance et la pêche. L’hiver, la neige enveloppe prés et jardinets. Le village entre en dormance. Mercredi, Thierry nuançait ce calme apparent. «Au village, il y a aussi eu le crash de la Germanwings [149 personnes sont mortes en mars 2015, ndlr], il y a eu l’assassinat de la dame qui tient le restaurant, rappelait le retraité de 62 ans, qui n’y vit pas à l’année. C’est une succession de malheurs.» En septembre, une habitante se demandait : «Le Vernet est-il maudit ?»
Mise à jour : à 18h45 avec la réaction des parents par voie de communiqué.