Une démission rare pour jeter une lumière crue sur la prison. Le directeur de la maison d’arrêt de Majicavo, à Mayotte, a annoncé ce lundi 7 octobre sa démission pour protester contre les conditions de travail dans cet établissement surpeuplé, marqué fin septembre par une mutinerie. «En remettant ma démission, je souhaite attirer l’attention sur cet établissement et ainsi contribuer, à ma modeste mesure, à améliorer les conditions de travail des personnels et les conditions de vie des détenus», affirme Nicolas Jauniaux dans une vidéo diffusée sur le site d’une télé locale, Kwezi. «J’ai aimé ce service et cette administration pendant 27 ans : c’est le cœur lourd que je la quitte», ajoute-t-il, visiblement marqué.
Le directeur de l’établissement, arrivé en janvier à Mayotte, explique avoir choisi de démissionner après la «mutinerie avec prise d’otages» qui a eu lieu le 28 septembre à Majicavo. Au moment de la réintégration vers leurs cellules de la centaine de détenus présents dans la cour, un surveillant gradé avait été agressé et ses clefs et son émetteur-récepteur arrachés. Il avait pu se mettre à l’abri mais un second surveillant avait été pris en otage dans la cour de promenade.
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«Cet événement dramatique souligne l’urgence de doter l’île d’un second établissement puisque celui-ci héberge 650 détenus pour 278 places», ajoute Nicolas Jauniaux dans la vidéo, regrettant qu’«à ce jour, aucune décision (ne soit) actée» malgré l’engagement début 2022 du ministre de la Justice de l’époque Eric Dupond-Moretti.
Une démission qui «a choqué tout le monde», selon la CGT
De son côté, le ministère de la Justice assure avoir mené «plusieurs actions» pour «répondre aux préoccupations de la direction et des agents pénitentiaires». Parmi ces initiatives, il évoque le déploiement le 29 septembre de 11 agents des établissements de La Réunion afin de «prêter main-forte» au centre pénitentiaire de Majicavo. «Des transferts de personnes détenues vers d’autres établissements ont également été opérés rapidement», ajoute la Chancellerie. Quant à la question de la surpopulation carcérale, le ministère affirme s’être «engagé à ouvrir un second établissement pénitentiaire et un centre de semi-liberté à Mayotte».
Pour Saïd Gamba, représentant du syndicat CGT pénitentiaire, la démission du directeur de l’établissement «a choqué tout le monde». Mais elle traduit un malaise dans toutes les couches du personnel pénitentiaire. Après les violences de la fin septembre, les surveillants de l’établissement ont exercé leur droit de retrait pendant plus d’une semaine mais 51 sur 118 sont en arrêt de maladie, selon le représentant syndical. D’après le ministère de la Justice, la prison de Majicavo compte 133 agents, dont «25 sont en arrêt maladie à ce jour».
Au 1er septembre, la densité carcérale globale en France s’établissait à 127,3 %, un record. Mais dans les maisons d’arrêt, où sont incarcérés les détenus en attente de jugement et ceux condamnés à de courtes peines, elle atteint 153,6 %. A Majicavo, elle dépasse les 181 %. En 2023, Majicavo était considérée comme la prison la plus densément peuplée de France.