Une page se tourne à Nanterre, quatre mois après les émeutes dont cette ville populaire des Hauts-de-Seine a été l’épicentre : Patrick Jarry, son maire divers gauche depuis 2004, a annoncé ce vendredi 13 octobre qu’il quittait ses fonctions, sans attendre la fin de son mandat. «Dans quelques mois, cela fera vingt ans que je suis votre maire. Dans quelques mois, j’aurai aussi 70 ans, j’ai la chance d’être trois fois grand-père», a expliqué l’édile dans une vidéo diffusée sur le site de la mairie. Lui-même avait été élu à mi-mandat après la démission de la communiste Jacqueline Fraysse en 2004, avant d’être élu au suffrage universel en 2008, 2014 et 2020, à chaque fois au premier tour.
Ce jeudi, ce fils d’ouvrier communiste, qui a quitté le PCF en 2010, passera la main à son successeur désigné : Raphaël Adam, 36 ans, son adjoint à l’urbanisme depuis les dernières municipales. Dans son message, Patrick Jarry, qui continuera à siéger au conseil municipal et à faire entendre la voix de Nanterre au conseil départemental des Hauts-de-Seine, dirigé par la droite, a loué un élu «jeune et compétent» qui «porte avec conviction les valeurs de gauche et de l’écologie». Peu connu localement, ce père de famille qui vit dans le quartier de l’université aura la lourde charge de panser les plaies encore à vif d’une ville secouée par les émeutes provoquées par la mort de Nahel, issu du quartier Pablo-Picasso.
«Pas avoir le même droit que les autres»
La démission de Patrick Jarry à mi-mandat a-t-elle été précipitée par ces violences dont les dégâts sont estimés à plus de 6 millions d’euros ? «Ces moments-là ont été terribles, parmi les plus sombres de l’histoire de Nanterre. Mais ils n’ont pas précipité mon départ. Au contraire, ils me mobilisent encore un peu plus. Dans trop de quartiers, les jeunes ont le sentiment de ne pas avoir le même droit que les autres. Je suis un enfant d’ouvriers, né dans un de ces quartiers, au Petit-Nanterre, et très tôt je l’ai vécu dans ma chair», a-t-il dit au Parisien. Le 2 octobre, Patrick Jarry avait ouvert le conseil municipal (le premier depuis celui du 26 juin, veille du déclenchement des émeutes), en réclamant que justice soit «rendue à Nahel et à sa famille». «Si les mêmes faits s’étaient produits dans une autre ville, sans nul doute ils auraient généré la même émotion, la même colère», avait affirmé l’élu. Manière de dire que sa politique n’était en rien responsable de cette irruption de violence ?
Lors de la réunion des maires des communes sinistrés à l’Elysée le 4 juillet, Jarry avait demandé d’ouvrir d’urgence le «chantier des conditions d’intervention et de travail des policiers». Et, lors du Conseil national de la refondation post-émeutes qui s’est tenu fin septembre à Matignon, le maire de Nanterre a jeté un froid en parlant, devant Elisabeth Borne, de «l’assassinat» de Nahel. Sans nier pour autant le poids de la ségrégation urbaine, cette «géographie urbaine très clivée, avec, d’un côté, des villes et des quartiers très populaires, et de l’autre des villes, des quartiers, dans l’ensemble plus privilégiés, voire, pour certains, de l’entre-soi». Soit exactement la situation de Nanterre, où les tours Nuage tutoient celles du quartier d’affaires de La Défense, et où une frontière matérialisée par de hautes grilles la sépare de sa riche voisine Puteaux.
«On ne se laissera pas faire»
Le retrait du maire historique de Nanterre a été diversement commenté. Les élus socialistes de la majorité et la section PS de Nanterre ont salué «le travail collectif mené par le maire de Nanterre pour notre territoire» et apporté leur soutien à Raphaël Adam dans un communiqué. Plus critique, le militant insoumis Noreddine Iznasni a raillé auprès de Libération la «vieille technique communiste qui consiste à partir à mi-mandat, ce qui permet de mettre les moyens municipaux au service de la campagne». «Mais on ne se laissera pas faire» en 2026, a réagi celui qui veut monter une «liste citoyenne avec LFI» pour remédier à la ghettoïsation et à la paupérisation de sa ville natale. Sur le terrain pour raisonner les jeunes pendant les émeutes, cet ancien de la Marche pour l’égalité et contre le racisme estime que, «sans nous, ç’aurait été pire», et qu’il est temps pour les habitants des quartiers populaires de faire entendre leur voix.