Menu
Libération
Justice

Affaire Gérard Depardieu : le parquet requiert un procès pour viols et agressions sexuelles après la plainte de Charlotte Arnould

Violences sexuellesdossier
Six ans après les accusations de la comédienne, alors que de nombreuses femmes ont depuis pris la parole contre lui, le parquet requiert un procès devant la cour criminelle contre l’acteur de 75 ans.
Gérard Depardieu, en 2015. (Boris Horvat/AFP)
publié le 22 août 2024 à 15h33

Il a longtemps trôné sur un piédestal. Aujourd’hui, il ne reste plus grand-chose du mythe Gérard Depardieu. Jeudi 22 août, le parquet de Paris a indiqué avoir requis un procès pour viols contre l’acteur de 75 ans. Le ministère public a demandé, le 14 août, son renvoi devant la cour criminelle départementale pour viols et agressions sexuelles sur la comédienne Charlotte Arnould. Il revient désormais à la juge d’instruction chargée de ce dossier d’ordonner ou non un procès.

L’avocate de l’actrice de 28 ans, Carine Durrieu Diebolt, estime que ces réquisitions «sont le résultat d’une longue instruction qui a permis de rassembler les éléments qui corroborent la parole de ma cliente», avant d’ajouter que, «pour elle, c’est un immense pas en avant plein d’espoir dans l’attente de l’ordonnance du juge d’instruction qui clôturera l’instruction». Le parcours judiciaire de Charlotte Arnould a commencé en août 2018, quand elle a porté plainte contre Depardieu dans les Bouches-du-Rhône. Elle l’accuse de l’avoir violée à deux reprises, les 7 et 13 août de la même année, dans son hôtel particulier du VIe arrondissement de la capitale. Elle avait alors 22 ans, et avait demandé à préserver son anonymat.

Moins d’un an plus tard, en juin 2019, le parquet de Paris avait classé sa plainte sans suite, au motif que les faits étaient insuffisamment caractérisés. La comédienne a alors déposé une nouvelle plainte avec constitution de partie civile en mars 2020, laquelle entraîne la saisine d’un juge d’instruction. En juillet de la même année, le parquet de Paris avait requis l’ouverture d’une information judiciaire après réexamen de la procédure et, en décembre 2020, l’acteur était mis en examen pour «viols» et «agressions sexuelles».

Au printemps 2023, une enquête publiée par Mediapart a révélé treize autres témoignages de femmes accusant Depardieu de propos sexistes et d’agressions sexuelles. Elles décrivaient des faits ayant eu lieu entre 2004 et 2022 sur le tournage de onze films. Les propos rapportés par le média d’investigation semblent alors faire apparaître un «mode opératoire» récurrent.

Lettre ouverte au «Figaro»

Le 1er octobre suivant, Gérard Depardieu publie une lettre ouverte dans le Figaro, où il se défend des faits qui lui sont reprochés et se dit «profondément atteint». Sans nommer Charlotte Arnould, il nie pleinement les accusations de la comédienne, et va jusqu’à l’accuser de manipulation : «[Une] jeune femme est venue chez moi une première fois, le pas léger, montant de son plein gré dans ma chambre. Elle dit aujourd’hui y avoir été violée. Il n’y a jamais eu entre nous ni contrainte, ni violence, ni protestation. […] Elle voulait chanter avec moi les chansons de Barbara au Cirque d’hiver. Je lui ai dit non. Elle a déposé plainte.»

Le 7 décembre, sur France 2, 1,52 million de téléspectateurs découvrent, dans Complément d’enquête, un Gérard Depardieu en pleine logorrhée lubrique sur les images d’un documentaire tourné en Corée du Nord, en compagnie de Yann Moix. L’acteur y grogne des remarques sexistes et sexuelles, notamment à destination de sa traductrice, évoquant sa «chatte», sa «petite moule», ou insistant sur la «poutre [qu’il a] dans le caleçon». L’émission dévoile aussi des propos obscènes du septuagénaire, alors en visite dans un centre équestre. Il estime – parmi d’autres considérations – que «les femmes adorent faire du cheval» car «elles ont le clito qui frotte sur le pommeau de la selle». La séquence s’achève par un Gérard Depardieu désignant une enfant d’une dizaine d’années et s’exclamant : «Si jamais il galope, elle jouit !»

«Ça me donne de l’espoir pour la suite»

Le scandale que provoquent ces propos et ces images est considérable. Après que la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, juge que Gérard Depardieu fait «honte à la France» et qu’il ne mérite plus forcément la Légion d’honneur, Emmanuel Macron est questionné à ce sujet. Le président de la République réaffirme alors son admiration à un «immense acteur», «un génie de son art» qui «rend fière la France».

Après l’annonce de ces réquisitions, Charlotte Arnould a réagi sur X, se disant «extrêmement soulagée et émue». «Ça me donne de l’espoir pour la suite bien que je reste évidemment prudente en attendant» la décision finale de la juge d’instruction, écrit-elle. En avril 2023, dans une interview donnée au magazine Elle, l’actrice évoquait le rapport de confiance établi très tôt, dès l’enfance, avec Gérard Depardieu qu’elle considérait comme «un père spirituel» : «J’attends d’être reconnue en tant que victime et qu’il soit condamné. Mais de Depardieu, je n’attends rien, encore moins qu’il me demande pardon. J’aurais aimé être avertie de la dureté du combat judiciaire et du traitement des victimes qui doit vraiment évoluer. Mais je suis déterminée.»

En attendant la décision de la juge d’instruction chargée de ce dossier, Gérard Depardieu voit s’approcher à grands pas sa prochaine échéance judiciaire. L’acteur sera jugé en octobre devant le tribunal correctionnel de Paris pour agressions sexuelles, après les accusations de deux femmes avec qui il travaillait sur le film de Jean Becker, les Volets verts, en 2021.

Mis à jour à 20 heures avec des compléments d’informations.