Moins d’une semaine après avoir vu ses dirigeants historiques quitter la fondation, le Refuge se retrouve entre les mains de la justice. Selon Mediapart, le parquet de Montpellier a ouvert une enquête après avoir été averti de plusieurs témoignages problématiques, relatifs à des faits d’abus sexuels et d’un cas de viol au sein même de l’association, qui héberge des personnes homosexuelles rejetées par leur famille.
Selon une information de Mediapart, le parquet aurait reçu plusieurs signalements le 15 février dernier, trois jours avant la publication d’un rapport d’audit au vitriol rédigé par le cabinet indépendant Boston Consulting Group (BCG), lequel pointait la gestion erratique de la structure. «Ils ont été envoyés par la secrétaire générale du Refuge et sont issus d’une note de BCG», rapporte ainsi Mediapart. Les investigations de BCG ont duré un mois, du 18 janvier au 18 février. Le cabinet américain, qui a eu connaissance de plus de 1 400 témoignages et 150 entretiens, révélait qu’«un certain nombre de faits graves ont été portés à l’attention de son équipe qui a invité les personnes concernées à saisir notamment les autorités judiciaires».
Un signalement de «viol»
Parmi les signalements relevés dans l’audit et communiqués au procureur, celui d’une personne autrefois recueillie par l’association, qui aurait été victime d’un viol dans sa chambre par quelqu’un ne faisant pas partie du Refuge. La note de l’audit indique par ailleurs que la victime aurait été incitée à porter plainte par certains bénévoles de l’association, sans que ces derniers n’aient signalé eux-mêmes les faits.
Le parquet de Montpellier a aussi été saisi pour enquêter sur «l’envoi de photographies intimes imputé à un dirigeant de la fondation, sans autre précision». Selon Mediapart, il s’agirait d’un «échange de SMS à caractère sexuel entre un jeune et Nicolas Noguier», l’un des deux ex-dirigeants de la fondation, qui aurait attiré l’attention du cabinet d’audit. Dans sa précédente enquête publiée fin 2020, Mediapart pointait justement que le même Nicolas Noguier avait déjà écopé d’un rappel à la loi après une plainte déposée en 2007 pour avoir eu des «échanges à caractère sexuel» inappropriés avec un individu. Selon plusieurs témoignages d’anciens salariés, Nicolas Noguier se faisait appeler «papa» par les jeunes et aurait fréquemment donné des «câlins» et des «étreintes». Son compagnon et ex-directeur général Frédéric Gal est mis en cause par plusieurs témoignages pour son comportement jugé «problématique», que certains qualifiaient de «harcèlement sexuel».
Outre ces faits de violences sexuelles, le document d’audit, long de 38 pages, pointait des «dysfonctionnements structurels […] imposant une réaction forte et urgente». Il étrille notamment le «fonctionnement totalement artisanal» de l’association, qui dit avoir accompagné plus de 8 000 jeunes et en avoir hébergé plus de 2 000 depuis sa création en 2003. Suite à la publication de l’enquête de Mediapart en décembre, Nicolas Noguier avait démenti tout dysfonctionnement majeur.
«Un climat de défiance et un mal-être au travail»
En janvier, Libération avait recueilli plusieurs témoignages de personnes ayant eu recours aux services de l’association. «Il fallait vivre pour l’association, j’étais sous pression et je recevais une centaine de mails par jour avec l’obligation d’y répondre sous 48 heures. Tout était fait à l’envers à ce moment-là et sans procédure», racontait notamment Romain Ceccarini, aujourd’hui employé au sein de l’Union française des centres de vacances.
L’audit relevait par ailleurs «un climat de défiance et un mal-être au travail d’une partie significative des acteurs» de l’association : 52% des salariés interrogés «estiment que leur charge de travail n’est pas soutenable» et 60% «ne se disent pas heureux au travail». Il critique également la communication de l’association : plus d’un quart des jeunes interrogés «estiment que leur consentement n’est pas systématiquement demandé pour utiliser leur image sur les réseaux sociaux en particulier». Il critique également la communication de l’association : plus d’un quart des jeunes interrogés «estiment que leur consentement n’est pas systématiquement demandé pour utiliser leur image sur les réseaux sociaux en particulier».