Menu
Libération
Prisons

L’isolement des narcotrafiquants voulu par Darmanin est «attentatoire aux droits fondamentaux», selon l’Observatoire international des prisons

Alors qu’une proposition de loi sur le trafic de drogue est à l’étude à l’Assemblée, le ministre de la Justice tente d’y adjoindre une mesure visant à durcir les conditions carcérales de certains détenus, notamment les narcotrafiquants.
Des agents pénitentiaires devant l'entrée de la maison d'arrêt de Seine-Saint-Denis, Villepinte, le 15 mai 2024. (Denis Allard/Libération)
publié le 4 mars 2025 à 14h53

Dans le monde idéal de Gérald Darmanin, les détenus, notamment les narcotrafiquants les plus dangereux, subiraient un isolement quasi-total : alors qu’une proposition de loi pour lutter contre le narcotrafic en France arrive ce mardi 4 mars en commission, le gouvernement a déposé un amendement visant à créer des quartiers de lutte contre la criminalité organisée au sein même des prisons.

Ce nouveau régime carcéral que le ministre de la Justice veut faire adopter par le Parlement est «attentatoire aux droits fondamentaux des personnes détenues», met en garde mardi 4 mars l’Observatoire international des prisons (OIP) dans un communiqué.

Le gouvernement souhaite que le placement dans ces quartiers ait une durée de validité de quatre ans, renouvelable, ce qui est «à l’opposé de l’idée selon laquelle l’isolement carcéral doit être le plus court possible», déplore l’OIP. Par ailleurs, ce régime automatiserait «les mesures les plus attentatoires aux droits humains et libertés fondamentales : fouilles à nu systématiques, parloirs hygiaphones, interdiction d’accès aux unités de vie familiale et parloirs familiaux, ou encore restriction drastique de l’accès au téléphone à un minimum de deux heures deux fois par semaine».

Un risque d’arbitraire

«Le garde des Sceaux propose finalement d’instituer ce qui ressemble dangereusement aux QHS : les quartiers de haute sécurité», fermés en 1982 par l’ancien ministre de la Justice Robert Badinter qui dénonçait leur «régime inhumain», rappelle l’OIP dans son communiqué. Avec ce qui est proposé, «c’est tout le champ de la criminalité organisée […] qui est aujourd’hui susceptible d’être concerné», craint l’association. «Et ce, que les personnes détenues soient condamnées ou simplement mises en cause – et donc présumées innocentes», ajoute-t-elle.

Il est prévu que la décision de placement dans ces quartiers relève du ministre de la Justice, un «nouveau pouvoir discrétionnaire» qui «présente un risque évident d’arbitraire tant ces critères sont flous et la paranoïa sécuritaire totale». L’Observatoire déplore que «la question du sens de la peine» soit «totalement occultée pour une obsession sécuritaire, feignant d’ignorer les effets néfastes de l’isolement sur la santé des personnes qui y sont soumises, et l’impact à plus long terme sur la préparation et construction d’un projet de sortie», souligne encore l’OIP.

En parallèle de ce projet de quartier de haute sécurité pour les détenus les plus dangereux, notamment les narcotrafiquants, les places de semi-liberté seront doublées d’ici 2027, soit 3 000 places, a récemment annoncé le garde des Sceaux. Selon le ministère, «cette mesure permettra notamment de lutter contre la surpopulation carcérale et de favoriser la réinsertion». Car, au 1er février, les prisons françaises comptaient 81 599 détenus pour seulement 62 363 places opérationnelles, d’après les statistiques dévoilées par le ministère de la Justice. Les prisons sont occupées à hauteur de 130,8 %, un chiffre record.