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Indépendance

Influenceur algérien Doualemn : une enquête ouverte après les menaces reçues par le tribunal administratif de Melun, qui a annulé son expulsion

Après l’annulation de l’OQTF de l’influenceur «Doualemn», de son vrai nom Boualem N., par le tribunal de Melun le 6 février, ses magistrats ont été la cible de menaces sur les réseaux sociaux. Une enquête a été ouverte par le parquet de Paris et son Pôle national de lutte contre la haine en ligne.
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a ordonné une OQTF contre l'influenceur algérien Doualemn, annulée le 6 février par le tribunal administratif de Melun. (Bastien Ohier/Hans Lucas. AFP)
publié le 12 février 2025 à 18h52
(mis à jour le 13 février 2025 à 17h28)

L’alerte lancée par un magistrat du tribunal administratif de Melun a porté ses fruits. Une enquête a été ouverte pour cyberharcèlement et menaces de mort après des attaques sur les réseaux sociaux visant les magistrats du tribunal administratif de Melun, en lien avec l’annulation de la procédure d’expulsion d’un influenceur algérien, a annoncé ce jeudi 12 février le parquet de Paris.

«La police judiciaire de Melun a été saisie des investigations [pour] cyberharcèlement, menaces de mort à l’encontre d’un magistrat, provocation publique à commettre un crime», a détaillé le parquet. L’enquête est désormais menée par le parquet de Paris et son Pôle national de lutte contre la haine en ligne. Les magistrats du tribunal administratif de Melun «étaient la cible sur les réseaux sociaux, depuis plusieurs jours, d’outrages et de menaces ciblées, à la suite de l’annulation de l’OQTF [obligation de quitter le territoire français, ndlr] de l’influenceur algérien» surnommé «Doualemn», a encore précisé le parquet.

Stricte application du droit

En effet, mercredi sur France Inter, Christophe, qui s’est présenté comme magistrat du tribunal administratif de Melun a interpellé le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, invité de la matinale. Il a démarré sur l’OQTF visant l’influenceur algérien Doualemn, de son vrai nom Boualem N., annulée le 6 février, par le tribunal administratif de Melun qui a estimé que la procédure d’expulsion «en urgence absolue» avait été appliquée à tort. «Je voulais juste vous rappeler, monsieur le ministre, a commencé Christophe, que le jugement, qui apparemment a eu l’air de vous contrarier d’annulation de l’OQTF n’est que la stricte application du droit. Et notamment l’article L432-12 du code des étrangers». «Le magistrat n’a fait qu’appliquer la loi, toute la loi, rien que la loi», a insisté Christophe, rappelant au passage que cet article sur lequel se fonde le tribunal pour prendre cette décision a été voté au Sénat par Bruno Retailleau en 2024, lorsque l’actuel locataire de la place Beauvau était le chef de file des sénateurs LR.

Le magistrat raconte ensuite à l’antenne que le tribunal de Melun est victime depuis sa décision d’une campagne de cyberharcèlement. «Depuis maintenant trois, quatre jours, au tribunal administratif de Melun, c’est un déchaînement de haine sur les réseaux sociaux de toute la fachosphère», révèle le magistrat. Des menaces envers sa présidente et ses magistrats directement. Dans des messages sur X, consultés par Libération, leur nom et leur photo sont diffusés par plusieurs comptes, qui leur reprochent la décision. «Des têtes doivent tomber», commente un internaute, photo de la présidente et de son vice-président à l’appui, quand un autre propose de «caillasser» les femmes du tribunal de Melun. Le jour de la décision, Bruno Retailleau avait fustigé sur LCI «tous les obstacles qu’on rencontre lorsque l’on veut appliquer la loi et expulser des individus qui n’ont rien à faire sur notre territoire».

Le tribunal de Melun n’est pas le seul à subir les pressions. Mardi 11 février, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, rattaché au Conseil d’Etat, ont dénoncé «les propos et publications récemment diffusés qui mettent en cause l’indépendance et l’impartialité des juridictions administratives» dans un communiqué. En cause, une enquête du média d’extrême droite Frontières, publiée le 30 janvier 2025, accusant des avocats et des magistrats d’être les «coupables de l’invasion migratoire» en favorisant la régularisation d’étrangers. Une accusation qui avait fait réagir le Conseil national du barreau (CNB) le jour de publication de l’article. «Le CNB condamne fermement l’attaque ciblée de «Frontières» à l’encontre de nos confrères exerçant en droit des étrangers», a précisé l’institution sur X, saisissant par la même occasion le parquet.

Interrogé ce mercredi 12 février lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le ministre de la Justice Gérald Darmanin a fustigé des accusations «inacceptable en démocratie» de la part «de gens qui confondent tout, avocat et client, cause et défense». Après avoir soutenu le CNB dans un communiqué au début du mois, l’ancien ministre de l’Intérieur avait lui-même été la cible du propriétaire et directeur de Frontières Erik Tegnér. Dans une vidéo publiée sur X le 2 février, le journaliste et ancien militant du Rassemblement national et des Républicains a accusé Gérald Darmanin de «se soumettre à une corporation d’avocats pro-migrants».

Mise à jour : le 13/02 avec l’ouverture de l’enquête