«Pour la sécurité de tous, les accès aux lieux où se déroule la cérémonie le long de la Seine sont réglementés à partir du 18 juillet.» A en croire le ministère de l’Intérieur, la teneur de cette information justifiait pleinement le recours à l’envoi d’une «alerte extrêmement grave» sur les téléphones de nombreux Parisiens, lundi 13 mai à 20 heures, à coups de sonnerie stridente (même pour les appareils en mode silencieux). Le tout, sans que les personnes notifiées n’aient jamais accepté formellement de recevoir de notifications de FR-Alert. Si l’utilisation de cette alarme pour un motif olympique continue de faire débat, le système est en place depuis juin 2022 pour alerter les Français – et toute personne présente sur le territoire – face à de potentiels dangers. Libé vous explique le fonctionnement de ce dispositif.
Comment ça marche ?
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, FR-Alert n’utilise ni Internet ni la géolocalisation. L’alerte à transmettre est diffusée aux opérateurs de téléphonie mobile, puis aux antennes du réseau qui couvrent le territoire concerné par une zone à risque. Ces antennes-relais vont alors diffuser un signal aux différents téléphones présents dans leur champ d’action afin de notifier d’un danger, et ce même quand le téléphone en question est en mode silencieux.
L’utilisation du dispositif doit faire l’objet d’une approbation de la part d’un préfet, explique le dossier de presse diffusé en 2022. Le message peut, lui, être rédigé par le préfet lui-même, par le maire de la commune concernée, voire par les services du Premier ministre en cas de crises plus graves «affectant la totalité du territoire national ou une grande partie de celui-ci». La communication est également classée selon plusieurs niveaux de gravité, allant de la notification d’exercice aux avertissements (niveau 4), alertes graves (niveau 3) ou alertes extrêmes (niveau 2), jusqu’à l’alerte maximale (niveau 1).
Lundi soir, la notification relative au pass Jeux, ce futur QR code permettant l’accès à certaines zones des bords de Seine, où doit se dérouler la cérémonie d’ouverture le 26 juillet, était classée de niveau 2. Plusieurs médias ont rapporté que ce choix avait provoqué des remous au sein du gouvernement et des autorités chargées des JO. Erreur ou zèle, il est compliqué de trancher.
Un dispositif critiqué
En cas de catastrophe naturelle voire nucléaire, une alerte peut s’avérer salvatrice mais ce choix a de quoi agacer quand «l’urgence» relève de la simple communication alors que, justement, dans la foire aux questions du site FR-Alert, le gouvernement mentionne des situations plus restreintes et extrêmes pour justifier l’utilisation de son dispositif. A savoir «tout type d’événement majeur justifiant d’alerter la population concernée pour une mise en sécurité et notamment» : «Evénements naturels», «biologiques et chimiques», «sanitaires», «technologiques et industriels» (ce qui recouvre, selon les exemples cités, la panne des moyens de télécommunication ou les accidents graves sur les réseaux routiers et non un plan de circulation dans Paris aussi compliqué sera-t-il en juillet et août) ainsi que les «événement[s] grave[s] de sécurité publique» ou «acte à caractère terroriste».
Arthur Dénouveaux, président de Life for Paris, l’association des victimes des attentats du 13 novembre 2015, a dénoncé ce mardi l’utilisation d’une sonnerie bruyante pour donner l’alerte. «Un dispositif d’alerte attentat qui fait sonner les téléphones aurait fortement compromis les chances de survie de dizaines de personnes le 13/11/15 alors qu’elles se terraient le plus discrètement possible dans tous les recoins du Bataclan», a-t-il posté sur Twitter (renommé X).
Bonjour @Interieur_Gouv , un dispositif d’alerte attentat qui fait sonner les téléphones aurait fortement compromis les chances de survie de dizaines de personnes le 13/11/15 alors qu’elles se terraient le plus discrètement possible dans tous les recoins du Bataclan. pic.twitter.com/LE2MZIOiUa
— Arthur Dénouveaux (@Arthur_Dvx) May 14, 2024
L’avocat Alexandre Archambault, spécialisé en droit du numérique, rappelle, sur Twitter également, que «légalement» et conformément à l’article L.33-1 du code des postes et des communications électroniques, «les pouvoirs publics peuvent invoquer qu’il s’agit ici “d’informations d’intérêt général à destination des utilisateurs finals”». Même si en l’espèce, le dispositif serait là «dévoyé pour faire du SAV de la fonction publique».
Peut-on désactiver le dispositif ?
Oui, et c’est l’une des raisons pour lesquelles l’utilisation de FR-Alert lundi soir pour un motif plutôt anodin est problématique. Echaudés, les possesseurs de téléphones portables ont tout à fait les moyens de sortir du dispositif, ce qui peut représenter un danger en cas de «vrai» enjeu de sécurité. Car presque tous les niveaux d’alerte peuvent être désactivés. Sur un téléphone Android, il faut se rendre dans les paramètres de l’appareil, puis dans la section «Alerte d’urgence sans fil» afin de couper les différents niveaux de notification. L’alerte maximale, de niveau 1, ne peut en revanche pas être désactivée. Sur iPhone, tout en bas de la section «Notifications», les alertes sont classées de 4 à 2 (la plus élevée) et il existe aussi une catégorie «Alerte enlèvement», une «alerte d’exercice» et une nébuleuse «alerte de test». Elles peuvent toutes être désactivées.