Menu
Libération
Enquête

Les détrousseurs de prêtres (1/2) : «Mais vous allez un jour laisser les curés tranquilles ?»

Article réservé aux abonnés
Pendant des décennies, par vengeance ou par appât du gain, un père et son fils ont mené une vaste arnaque à la charité. A partir de documents judiciaires et de témoignages inédits, «Libération» retrace cette saga rocambolesque, qui cache une histoire plus sombre.
(Jonathan Blezard/Libération)
par Julie Brafman et dessin Jonathan Blezard
publié le 2 septembre 2024 à 20h31

Le père Robert M. ne se souvient pas très bien d’où venait la voix au bout du fil, «peut-être de Brest». Un homme qu’il avait marié cinq ans plus tôt était désespéré. Après la mort de son épouse dans un accident, il n’avait plus rien, même pas assez d’argent pour payer la caution de son appartement. Le nom ne disait rien à Robert M. mais étant prêtre référent pour plusieurs paroisses du Sud de la France, il en avait vu passer des amoureux. Quelques minutes plus tard, nouvel appel. «Cette fois, c’était la gendarmerie de je-ne-sais-où, raconte-t-il à Libération. Quelqu’un m’a dit : “Il faudrait que vous aidiez ce monsieur.” Comme j’étais naïf, j’ai donné 600 euros par carte bleue pour le dépanner. Le procès va avoir lieu bientôt. J’ai rempli un papier pour dire que je ne serai pas là. J’ai 80 ans, je vais pas faire 400 bornes.» Quelques mois plus tard, en février 2024, le père Pascal B. a été brusquement tiré de sa sieste par un coup de téléphone. Une gendarme lui proposait une mission. Une sacrée mission même : alpaguer un détrousseur de curés qui faisait des ravages dans la Manche. Soucieux de rendre service, Pascal B. a suivi les instructions. Il est allé au bureau de tabac pour retirer deux coupons PCS (des sortes de cartes bancaires rechargeables) de 500 euros et les a envoyés à l’enquêteur. Ce dernier a rappelé. Il fallait 450 euros de plus. Cette fois, le prêtre a tiqué et a prévenu la gendarmerie, la vraie. Pascal B. n’a pas envie d’évoquer