Les étrangers qui ne résident pas régulièrement en France ont le droit à l’aide juridictionnelle au nom du principe d’égalité devant la justice, y compris en matière prud’homale et civile, a tranché le Conseil constitutionnel dans une décision publiée ce mercredi 29 mai au Journal officiel. L’instance avait été saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à ce sujet par plusieurs associations (la LDH, le Gisti) et syndicats (CGT, CFDT, le Syndicat des avocats de France). Ils estimaient que la différence de traitement entre les travailleurs sans papiers (exclus jusqu’ici de l’aide juridictionnelle) et les autres était contraire aux principes de la Constitution.
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Les «Sages» leur ont donné raison. En privant les étrangers ne résidant pas régulièrement en France du bénéfice de l’aide juridictionnelle pour faire valoir en justice leurs droits dans l’Hexagone, «les dispositions contestées n’assurent pas à ces derniers des garanties égales à celles dont disposent les autres justiciables», explique le Conseil constitutionnel dans un communiqué.
L’aide juridictionnelle – qui s’appliquait déjà en matière pénale et de droits des étrangers pour les non-Français – permet aux personnes ayant de faibles ressources financières de voir leurs frais de justice pris en charge par l’Etat.
Décision n° 2024-1091/1092/1093 QPC du 28 mai 2024, M. Diabe S. et autres [Exclusion des étrangers en situation irrégulière du bénéfice de l’aide juridictionnelle]
— Conseil constit (@Conseil_constit) May 28, 2024
Non conformité totale
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L’aide juridictionnelle aux prud’hommes et en matière civile était prévue par la loi pour les étrangers seulement s’ils résidaient habituellement en France, ce que contestait l’avocat Xavier Courteille, à l’origine de la procédure. Le Conseil constitutionnel estime que cette condition est «contraire au principe d’égalité devant la justice». «Si le législateur peut prendre des dispositions spécifiques à l’égard des étrangers, en tenant compte notamment de la régularité de leur séjour, c’est à la condition de respecter les droits et libertés garantis par la Constitution reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire», en particulier pour «se conformer au principe d’égalité devant la justice», pointe-t-il dans son communiqué. Selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la loi «doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse», souligne-t-il aussi.
«Je me félicite de cette décision, c’est la fin d’une hypocrisie qui concerne beaucoup de travailleurs qui étaient employés par des entreprises mais n’avaient pas les mêmes droits pour se défendre. Il n’y a pas de sous-justiciable», a réagi Xavier Courteille. Dans un communiqué, les associations et syndicats à l’origine de la procédure saluent «une victoire» : «Ainsi est mis fin à une situation insupportable dans laquelle les travailleur·euses sans papiers, protégé·es par le Code du travail, étaient privé·es de la possibilité de faire valoir leurs droits en justice faute de pouvoir bénéficier de l’aide juridictionnelle, permettant de recourir gratuitement aux services d’un avocat.»