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Enquête

Les hommes de la rue du Bac (2/6) : aux origines de l’adoption de la jeune Inès Chatin, une procédure nébuleuse et une «entremetteuse»

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Pour comprendre la façon dont elle est arrivée chez Jean-François Lemaire, qu’elle accuse d’avoir participé à un groupe pédocriminel dont elle fut la victime, Inès Chatin a remonté le fil de son adoption. Celle-ci comporte de nombreuses irrégularités, et laisse entrevoir un trafic d’enfants organisé au sein même de l’association «la Famille adoptive française».
Peu après sa naissance, Inès Chatin a été confiée à une femme au parcours hors du commun, qui occupe alors un appartement de la résidence «les Cyclamens», à Montpellier. (Cyril Zannettacci/Vu' pour Libération)
publié le 15 juin 2024 à 8h00
(mis à jour le 16 juin 2024 à 9h00)

L’histoire d’Inès Chatin est aussi celle d’une longue quête de ses origines. Elevée dans un univers pédocriminel du Paris germano-pratin, elle ne put jamais questionner ses parents sur leur choix d’adopter leurs deux enfants, elle et son grand frère Adrien (1), via l’organisme principal de l’époque, la Famille adoptive française (FAF). Chez elle, le carcan du silence ne permettait aucune transgression, et les rares fois où elle s’est hasardée à sonder son père adoptif, Jean-François Lemaire, son autoritarisme coupait court à toute discussion. Médecin auprès des assurances, il menait une vie nimbée de mystères. Et exerçait sur son épouse, Lucienne, des violences physiques et verbales répétées, si bien qu’elle ne put jamais disposer d’une quelconque liberté, même de parole. Ce huis clos étouffant explique aussi qu’Inès Chatin n’ait jamais pu lever le voile sur les sévices sexuels subis de ses 4 à 13 ans, qu’elle attribue à Jean-François Lemaire et à ses puissants amis, banquier, avocat, écrivains.

Pour que sa parole se libère, il a fallu attendre que les époux Lemaire soient placés en Ehpad, à l’automne 2020. Peu à peu, Inès Chatin fait de nombreuses découvertes en vidant l’appartement dans lequel elle a grandi, au premier étage du fastueux 97, rue du Bac. Outre des écrits étayant les liens entre ses tourmenteurs, celle qui approche alors des 50 ans met la main sur des reçus de dons effectués à la FAF. Fondée en 1946 par Dominique Crétin, un ingénieur de la SNCF, l’association