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Justice

Georges Abdallah, le plus ancien détenu de France, va être libéré après quarante ans en prison

Condamné à Paris en 1987 pour complicité d’assassinat de diplomates américain et israélien, le Libanais doit sortir de prison le 25 juillet.
Georges Ibrahim Abdallah lors de son procès pour complicité dans le meurtre de deux diplomates le 3 juillet 1986. (Photo/AFP)
publié le 17 juillet 2025 à 9h16
(mis à jour le 17 juillet 2025 à 19h45)

Un retour au Liban, après plus de quarante ans derrière les barreaux en France. La cour d’appel de Paris a autorisé ce jeudi 17 juillet Georges Ibrahim Abdallah, condamné à Paris en 1987 pour complicité d’assassinat de diplomates américain et israélien et considéré comme le plus ancien détenu du pays, à rentrer chez lui. Incarcéré depuis 1984, l’ancien chef d’un groupuscule de chrétiens libanais marxistes pro-palestiniens était libérable depuis vingt-cinq ans, mais avait vu sa dizaine de demandes de remise en liberté échouer.

Le tribunal d’application des peines puis la cour d’appel s’étaient à quelques mois d’intervalle prononcés pour, estimant la durée de sa détention «disproportionnée» par rapport aux crimes commis, et jugeant qu’à 74 ans, ce détenu «âgé» aspirant à finir ses jours dans son village du nord Liban ne présentait plus de risque de trouble à l’ordre public.

«Effort conséquent»

Mais le jugement du tribunal en novembre avait immédiatement été suspendu par un appel du parquet antiterroriste. Quant à la cour, tout en se disant en février favorable à sa remise en liberté, elle avait repoussé sa décision de quelques mois, exigeant que Georges Abdallah fasse preuve d’un «effort conséquent» pour indemniser les victimes, ce qu’il a toujours refusé de faire, se considérant comme un prisonnier politique.

Lors d’une nouvelle audience le 19 juin cependant et sans s’épancher sur la position de son client ni l’origine des fonds, l’avocat de Georges Abdallah avait informé les juges que 16 000 euros se trouvaient désormais à disposition des parties civiles sur son compte à la prison de Lannemezan (Hautes-Pyrénées), où il est détenu.

Le parquet général, comme les Etats-Unis – parties civiles et qui se sont farouchement opposés à chacune de ses demandes de libération – ont considéré que cela ne suffisait pas, qu’il n’avait fait «aucun effort» car l’argent n’était pas le sien et qu’il n’y avait pas de repentir, ont rapporté des sources proches du dossier (l’audience n’était pas publique). «La notion de repentir» n’existe «pas dans le droit français», s’était indigné devant la presse au sortir de la salle l’avocat de Georges Abdallah, Me Jean-Louis Chalanset. «J’ai dit aux juges «soit vous le libérez, soit vous le condamnez à mort».

Ainsi, la cour a été convaincue. Elle a ordonné sa libération avec expulsion immédiate vers le Liban – son pays est prêt à l’accueillir et réclame sa libération depuis des années. Georges Abdallah va donc vider sa cellule remplie de quarante ans de journaux et courriers quasi-quotidiens de ses soutiens, et décrochera le drapeau rouge de Che Guevara du mur. Selon des sources proches du dossier, il doit être transféré par avion militaire jusqu’à l’aéroport de Roissy avant de prendre un vol pour Beyrouth.

Pour le militant libanais, l’investissement de ses soutiens a été crucial dans cette décision : «S’ils ont accepté de me libérer, c’est grâce à cette mobilisation [de ses soutiens] qui est ascendante», a-t-il estimé lors d’un échange avec la députée LFI Andrée Taurinya, en visite dans la prison de Lannemezan (Hautes-Pyrénées). Le Liban se dit quant à lui «extrêmement satisfait», comme l’a souligné Ziad Taan, son ambassadeur en France : l’Etat libanais «prend toutes les dispositions pour organiser son retour avec les autorités françaises» la semaine prochaine dans le pays du Cèdre, où le militant est «le bienvenu».

Israël ne s’était pas manifesté pendant la procédure judiciaire, mais a «regretté» jeudi, par la voix de son ambassade à Paris, la décision de justice. «De tels terroristes, ennemis du monde libre, devraient passer leur vie en prison», a-t-elle écrit dans un communiqué.

«Symbole passé»

Georges Ibrahim Abdallah est aujourd’hui tombé dans l’oubli, à l’exception de quelques parlementaires de gauche et d’une poignée de fidèles manifestant chaque année devant sa prison. Lundi soir, plusieurs dizaines de personnes se sont encore rassemblées dans le centre de Toulouse pour demander sa libération.

Dans les années 1980, Georges Ibrahim Abdallah était l’ennemi public numéro 1 et l’un des prisonniers les plus célèbres de France. Pas à cause de son affaire, mais parce qu’on l’a longtemps cru, à tort, à l’origine de la vague d’attentats de 1985-1986 qui avait tué 13 personnes dont 7 au magasin Tati de la rue de Rennes, et installé la psychose dans les rues de la capitale.

Les véritables responsables, des pro-Iraniens, avaient été identifiés deux mois après la condamnation à la perpétuité de Georges Abdallah. Ce dernier n’a jamais reconnu son implication dans l’assassinat des diplomates, mais les a toujours qualifiés d’«actes de résistance» contre «l’oppression israélienne et américaine», dans le contexte de la guerre civile libanaise et de l’invasion israélienne au Sud-Liban en 1978. Il a toujours refusé de renier ses convictions.

Son groupuscule des Farl (Fractions armées révolutionnaires libanaises) est dissous depuis longtemps et «n’a pas commis d’action violente depuis 1984», avait toutefois souligné la cour dans son arrêt de février, estimant que Georges Abdallah «représente aujourd’hui un symbole passé de la lutte palestinienne».

Mis à jour à 19 h 44 avec les réactions de Georges Abdallah, du Liban et d’Israël.