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Loi contre le narcotrafic : le Conseil constitutionnel censure quelques articles, mais pas le plus controversé

Les «sages» ont amputé, ce jeudi 12 juin, six points de la loi adoptée en avril. Mais a validé le contesté régime carcéral d’isolement, prévu pour les trafiquants les plus dangereux.
Après une saisie de cocaïne à l'aéroport de Cayenne, en Guyane, en 2024. (Ludovic Marin/AFP)
publié le 12 juin 2025 à 21h03

Le Conseil constitutionnel a jugé «partiellement conforme», ce jeudi 12 juin, la loi visant «à sortir la France du piège du narcotrafic». Les «sages» ont ainsi censuré une poignée d’articles mais ont validé, à une réserve près, le régime carcéral d’isolement prévu pour les narcotrafiquants les plus dangereux. Parmi les six articles censurés totalement ou partiellement figurent notamment l’expérimentation du recours au renseignement algorithmique contre le narcotrafic ou le procès-verbal distinct, qui permet de ne pas divulguer certaines informations aux avocats des personnes mises en cause.

«Graves menaces» sur l’Etat de droit

Le Conseil avait été saisi par des députés de gauche, qui estimaient que de nombreux articles de cette loi faisaient «peser de graves menaces» sur l’Etat de droit. Ils lui demandaient en particulier de censurer l’article portant la création, devenue emblématique, de quartiers de haute sécurité dans les prisons pour les trafiquants les plus dangereux. La loi prévoit qu’ils y soient affectés sur décision du garde des Sceaux, sous certaines conditions. Le régime carcéral qui y est assorti prévoit entre autres des fouilles intégrales encadrées en cas de contacts sans surveillance d’un agent.

Les «sages» ont déclaré cet article conforme à la Constitution, tout en émettant une réserve sur la question des fouilles intégrales. Celles-ci ne doivent être réalisées que lorsque la surveillance par un agent pénitentiaire «a été empêchée par des circonstances particulières tenant à l’intimité de la personne détenue, à la nécessité de préserver la confidentialité de ses échanges ou à des difficultés exceptionnelles d’organisation du service pénitentiaire», a souligné le Conseil.

Ce dernier a par ailleurs censuré partiellement l’article concernant la généralisation de la visioconférence pour les personnes détenues dans ces quartiers de lutte contre la criminalité organisée. Il a estimé que cela portait une «atteinte excessive aux droits de la défense» pour les personnes placées en détention provisoire.

«Garanties suffisantes»

Sur l’activation à distance d’un appareil électronique pour procéder à des écoutes, il a jugé que les dispositions de l’article poursuivaient «les objectifs de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions et de prévention des atteintes à l’ordre public» et étaient «entourées de garanties suffisantes pour ne pas porter d’atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée». Mais les «sages» ont ajouté une réserve, estimant que ces dispositions n’étaient applicables qu’aux délits «commis en bande organisée et punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans».

Définitivement adoptée en commission mixte paritaire le 29 avril dernier, cette proposition de loi avait passé sans difficulté l’étape du Sénat, ainsi que celle de l’Assemblée nationale. Seule La France insoumise avait voté contre le texte, qui avait fait consensus jusqu’au banc des socialistes (communistes et écologistes s’étant abstenus). Face aux trafiquants, «nous ne sommes pas dans un combat à armes égales», avait défendu le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui, avec son collègue de la Justice, Gérald Darmanin, a soutenu ce texte d’origine sénatoriale.