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Interview

Magali Lafourcade, magistrate : «Etre féministe, cela fait partie des devoirs du magistrat»

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Malgré une féminisation numérique de la profession, l’institution judiciaire est imprégnée par de nombreuses inégalités de genre : impunité des agresseurs sexuels, maltraitance de prétoire, plafond de verre… Selon l‘autrice de «Démasculiniser la justice», le système doit rapidement s’affranchir de ces représentations.
«La justice reste marquée par sa longue histoire, ses procédures, et porte un regard encore très androcentré», explique Magali Lafourcade. (Gilles Bassignac/Divergence)
publié le 21 mai 2025 à 17h55
(mis à jour le 21 mai 2025 à 19h29)

Démasculiniser la justice ? C’est l‘ambition de la magistrate Magali Lafourcade, secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l‘homme, dans son ouvrage publié chez les Petits matins. L‘autrice y défend une justice féministe, affranchie des stéréotypes de genre et de son androcentrisme historique. Déconstruisant l‘illusion d’une neutralité de la norme juridique, elle montre, au contraire, comment l‘institution judiciaire perpétue les inégalités. Entretien.

Votre propos s’ouvre sur un double paradoxe : celui d’une profession surféminisée, qui produit des décisions surtout favorables aux hommes…

On n’arrive pas à penser qu’une profession majoritairement féminine puisse être empreinte de biais patriarcaux. En réalité, la justice reste très marquée par sa longue histoire, son décorum, ses procédures, et porte un regard encore très androcentré. Charlotte Béquignon-Lagarde n’est devenue la première femme magistrate qu’en 1946. Le fait d’avoir une ouverture massive aux femmes n’implique en rien d’être débarrassé des biais cognitifs et structurels d’une société marquée par le patriarcat.

D’ailleurs, la féminisation du corps est doublement en trompe-l’œil : elle est numériquement très importante, mais elle s’arrête aux portes de la hiérarchie. Les fonctions les plus prestigieuses restent l‘apanage des hommes. Aucune femme n’a jamais été choisie pour être procureur général près la Cour de cassation, une des deux plus hautes fonctions de l‘institution.

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