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Libération
Mystère résolu

Manche : l’auteur des fausses photos pornos de collégiennes voulait «se venger après avoir été éconduit»

De peur d’être démasqué, le jeune homme reconnu coupable a choisi de multiplier les victimes pour brouiller les pistes.
Le palais de justice de Coutances (Manche), le 7 décembre 2022. (Louise Quignon/Hans Lucas pour Libération)
publié le 22 juillet 2025 à 16h33

L’affaire avait ébranlé tout un village. Treize jeunes filles de la Manche – des collégiennes de Saint-Hilaire-du-Harcouët pour la plupart – avaient découvert en mars être victimes de deepfakes pornos, des fausses images générées par IA. Pendant des semaines, une question avait alors hanté les esprits : mais qui avait bien pu faire ça et pourquoi ? La réponse est tombée deux mois plus tard, lorsque l’auteur des faits a été condamné à deux ans de prison avec sursis. Auprès de Libé, le parquet de Coutances revient sur les motivations du jeune homme, âgé de 20 ans.

Tout est parti d’une déception amoureuse. Dès la première phase de sa garde à vue, le prévenu a reconnu les faits. Aux enquêteurs, il a «expliqué vouloir se venger après avoir été éconduit par la victime 0», rapporte le procureur Gauthier Poupeau. La première victime, mineure, qu’il connaissait «pour avoir fréquenté le même établissement scolaire peu de temps auparavant».

Problème : en ne se prenant qu’à une seule personne, le jeune Manchois a senti qu’il risquait d’être démasqué. Pour brouiller les pistes, il a alors eu une idée. «Il a entrepris de réaliser des deepfakes avec le cercle amical de la victime 0», poursuit le procureur. Au total, 13 jeunes filles finiront par être visées, dont 12 mineures.

«Il a commis une erreur»

Au détour d’une enquête parue en mars, certains témoins décrivaient à Libé le mode opératoire du coupable. Les fausses images étaient publiées sur un compte Instagram usurpant l’identité d’une des collégiennes. Chaque jeune fille qui consultait ses stories (des publications éphémères pour lesquelles il est possible de voir qui les a regardées) se retrouvait alors à son tour victime de deepfakes. Une mécanique diabolique, aussi contagieuse qu’un virus, qui avait alors suscité un vent de panique chez les adolescentes.

Ce sont finalement les investigations techniques qui ont permis de confondre l’auteur des faits. Prudent, le jeune homme prenait bien des précautions pour éviter d’être attrapé. A commencer par l’utilisation d’un VPN. «Il a pourtant commis une erreur nous permettant de remonter à lui», raconte Gauthier Poupeau. Le procureur préfère ne pas préciser laquelle afin «de pouvoir espérer sa réitération dans les futures procédures».

A l’issue de sa garde à vue, le jeune homme a été laissé libre, «le temps d’exploiter le matériel informatique saisi à son domicile». Dans ses disques durs, les enquêteurs ont alors retrouvé des images pédopornographiques. Ils ont également découvert que le jeune homme avait pour «habitude» de démarcher des mineures en ligne «afin de leur proposer des relations sexuelles ou obtenir d’elles des images pornographiques».

Abandonné à la naissance

D’après Ici Manche qui a assisté à sa comparution immédiate le 14 mai, le Manchois serait sans emploi et aurait une légère déficience intellectuelle. Au cours de l’audience, l’experte psychiatre a décrit un individu «qui cherche à combler un manque d’amour, qui se sent rejeté au moindre refus» et dont «le caractère impulsif majore le risque de récidive». Abandonné à la naissance, il aurait été placé en famille d’accueil avant d’être élevé par sa grand-mère, chez qui il vivrait toujours.

Ses excuses auprès des victimes ne lui auront pas évité d’être condamné. Il a été reconnu coupable de «diffusion d’un montage généré par traitement algorithmique à caractère sexuel reproduisant l’image ou les paroles d’une personne non consentante», «détention de l’image d’un mineur représentant un caractère pornographique» et «proposition sexuelle faites à un mineur de 15 ans».

Outre sa peine de deux ans de prison avec sursis, il devra verser 1 000 euros d’indemnisation à 12 de ses victimes, et 1 500 euros à la dernière. Il a l’interdiction d’entrer en contact avec elles et fait l’objet d’une obligation de soins.