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Libération
Liberté de la presse

Manifestation contre la vente d’armes à Israël : la journaliste de «Blast» gardée à vue 34 heures poursuit l’Etat pour faute lourde

Une semaine après son interpellation alors qu’elle couvrait une mobilisation visant le fabricant de composants électroniques à usage civil et militaire Exxelia, la journaliste du média en ligne fait savoir ce jeudi 27 juin par son avocat qu’elle compte porter plainte contre l’Etat.
Brassard presse dans une manifestation à Paris, 15 février 2019. (Riccardo Milani/Hans Lucas.AFP)
publié le 27 juin 2024 à 19h17

Une garde à vue de trente-quatre heures et une demande d’accès à son téléphone abusives, selon la journaliste interpellée à Paris la semaine dernière après une manifestation contre la vente d’armes à Israël, qui contre-attaque. Celle-ci a engagé une procédure pour faute lourde contre l’Etat, a fait savoir ce jeudi 27 juin son avocat, Me Laurent Pasquet-Marinacce. La journaliste, qui travaille pour le média en ligne Blast, avait été arrêtée avec six autres personnes le 18 juin après une manifestation dans l’entreprise Exxelia, fabricant de composants électroniques à usage civil et militaire. La reporter couvrait la manifestation dans le cadre d’une enquête sur les ventes d’armes à Israël, avait précisé Blast le jour des faits, dénonçant «une atteinte grave et injustifiable à la liberté d’informer».

Les sept gardes à vue avaient été levées le lendemain en fin de journée et la procédure classée sans suite pour absence d’infraction «suffisamment caractérisée», selon le parquet. L’avocat de la journaliste, qui a filmé la manifestation avec son téléphone portable et présenté sa carte de presse aux policiers, a assigné ce jeudi l’agent judiciaire de l’Etat devant le tribunal judiciaire de Paris. Il estime que l’interpellation et la garde à vue de sa cliente, la demande d’accès à son téléphone et de prélèvement biologique pour l’inscrire au fichier des empreintes génétiques constituent bel et bien une «faute lourde». Il réclame 15 000 euros de réparation pour sa cliente.

RSF veut saisir la Défenseuse des droits

«Il n’est pas normal qu’une journaliste soit interpellée lorsqu’elle couvre un événement accompagné de troubles», a fustigé Me Laurent Pasquet-Marinacce, dénonçant des «pressions et [des] ruses pour tenter de la persuader de livrer des informations couvertes par le secret des sources». Et d’assener : «On est face à une entrave à la liberté de la presse commise par les autorités publiques elles-mêmes et qui constitue à ce titre un abus particulièrement grave, qui doit être sanctionné et réparé.»

De son côté, Reporters sans frontières (RSF) a affirmé que «les incidents répétés ces derniers mois qui mettent à mal le secret des sources invitent à une réponse forte de la part des pouvoirs publics et à une révision de la loi Dati». L’ONG «entend saisir» la Défenseuses des droits «pour que toute la lumière soit faite».

Exxelia est citée dans une information judiciaire ouverte à Paris en 2018 sur des plaintes pour complicité de crimes de guerre après la mort de trois enfants tués par un missile israélien à Gaza le 17 juillet 2014. Dans les débris avait été retrouvé un capteur fabriqué, selon des expertises, par l’entreprise française Eurofarad - rachetée en 2015 par Exxelia Technologies -, et vendu à la société israélienne Rafael.