La vidéo date de l’année dernière et a été révélée début mai par nos confrères de BFM Marseille. On y voit un homme manifestement ivre, frappé par des policiers municipaux. Puis, plus rien. La caméra du centre de supervision urbain (CSU) - chargé de la vidéoprotection de la ville - cadre brusquement un autre angle de vue. Ce mardi 4 juin, RTL dévoile les enregistrements tenus dans le centre de vidéosurveillance à ce moment précis, et le témoignage de Sébastien Fiorenti, un ancien opérateur du centre en conflit avec sa hiérarchie. Comme l’explique La Provence, «ces bandes sonores semblent confirmer que des policiers ont voulu «couvrir» les violences commises par leurs collègues lors d’une intervention, en déplaçant volontairement une caméra».
«Tu le prends, tu le menottes, tu l’amènes au sol et tu lui mets son petit coup en traître», peut-on entendre dire un des agents sur ces captations sonores. «Le taquet, à la limite, tu le mets dans la voiture quand il n’y a personne qui te voit», rebondit un autre. Les surnoms amicaux comme «frérot» fusent dans le centre, alors que l’un des opérateurs demande clairement à ce que les policiers sur le terrain ne se mettent «pas en dessous de la caméra».
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Selon ces enregistrements, certains anciens collègues de Sébastien Fiorenti utilisent également le matériel de vidéosurveillance pour reluquer la gent féminine et commenter les physiques de manière lubrique. «C’est pas mal ça», «Elle a des bonnes cuisses», «Montre-nous la pacholette [sexe féminin, ndlr] un peu», entend-on sur les enregistrements diffusés sur RTL. Selon les informations de la station, deux enquêtes administratives et deux enquêtes judiciaires ont été ouvertes après ces agissements.
Critiques des politiques
Depuis, la droite marseillaise tape sur la gestion de la police municipale par le maire de la ville Benoît Payan (divers gauche). «Depuis des mois, nous demandons des informations claires et précises sur la gestion du centre de supervision urbain», rappellent les élus d’opposition dans un communiqué. Comme l’écrit Le Figaro, ils demandent par ailleurs la démission de l’adjoint à la sécurité de Marseille, Yannick Ohanessian. Selon eux, «le centre de supervision urbain n’est en réalité pas géré. Cet outil pourtant essentiel est en roue libre depuis que la Nupes est en responsabilité».
De la même manière, le collectif «Une Génération pour Marseille» fondé par Romain Simmarano et Sandra Blanchard (deux membres du bureau de Renaissance, et par ailleurs directeur de cabinet de Renaud Muselier pour le premier) accuse le maire de Marseille de «double faute», comme l’explique La Provence. Envers les Marseillais et envers les membres de la police municipale. Ils demandent notamment une «mise sous tutelle immédiate du CSU par l’État» et «la protection de l’ensemble des policiers municipaux qui subissent cette gestion lamentable».
Le lanceur d’alerte également suspendu
De son côté, le Printemps Marseillais, aux manettes de la ville depuis 2020, condamne «des tentatives d’instrumentalisation navrantes de l’opposition». La réaction de la mairie a d’ailleurs été immédiate «dès la diffusion des images par BFMTV le 3 mai», contre-attaquait ce mardi en fin de journée Yannick Ohanessian. Des images «qui choquent, qui heurtent» a insisté l’adjoint à la Sécurité, rappelant au passage que la municipalité avait immédiatement signalé les faits au procureur de la République et déclenché une enquête administrative interne. Cette enquête, qui «se poursuit» a précisé l’adjoint, a permis d’identifier sept agents qui seraient impliqués dans cette affaire – quatre pour les violences sur le terrain, trois pour leur rôle derrière la caméra. Tous sont suspendus dès à présent à titre conservatoire, le temps de l’enquête judiciaire. Car outre le circuit administratif, la municipalité annonçait ce lundi le dépôt prochain d’une plainte au pénal.
Même tarif, ajoute encore l’adjoint à la Sécurité, pour Sébastien Fiorentini, l’agent lanceur d’alerte : lui aussi est suspendu et une plainte a été déposée à son encontre, la municipalité lui reprochant l’enregistrement et la diffusion des images «en dehors de tout cadre légal», et surtout son délai de réaction, puisqu’il avait l’enregistrement en sa possession depuis un an - l’intéressé assure, de son côté, avoir alerté sa hiérarchie à l’époque. «Il y avait des tensions dans le service au préalable, il faut désormais tout mettre au clair, poursuit Yannick Ohanessian. Depuis notre arrivée en 2020, nous avons fait de l’exemplarité un axe très fort de notre action, c’est la raison pour laquelle on ne laissera rien passer. Je ne souhaite pas qu’avec ces cas isolés, on salisse toute la police municipale.»
Mise à jour : à 19 heures avec la réaction de la mairie de Marseille.