La séance avait été annulée in extremis, une heure avant la diffusion. Mercredi 22 octobre au soir, la mairie de Marseille, dirigée par le socialiste Benoît Payan, avait décidé d’interdire la projection du film chrétien Sacré Cœur. Mais la justice administrative en a décidé autrement ce samedi 25 octobre.
Le film devait être diffusé dans le château de la Buzine, célèbre bâtisse du 9e arrondissement de Marseille et établissement géré en régie municipale de la ville. La municipalité avait affirmé jeudi dans un communiqué que cette décision «relève de l’application absolue de la loi de 1905» - sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat - : «un équipement public ne peut accueillir des projections qui, par leur caractère ou leur contenu, soient de nature confessionnelle». Visionné par Libération, le film Sacré Cœur, son règne n’a pas de fin (son titre complet), est un docufiction à la gloire du Christ et de la foi, mélange de reconstitutions historiques et de témoignages de croyants.
A lire aussi
La décision de la mairie marseillaise avait été très critiquée par la droite et l’extrême droite. Le sénateur RN Stéphane Ravier, ainsi que le couple de réalisateurs du film Sabrina et Steven J. Gunnell, avaient saisi la justice via un référé-liberté (procédure d’urgence), dénonçant «une censure».
Le juge leur a donné raison dans une ordonnance de six pages, rappelant qu’outre le château de la Buzine, où le film était programmé mercredi mais aussi les 25 et 28 octobre, celui-ci n’est diffusé quotidiennement que dans une salle de cinéma de Marseille. En «restreignant ainsi sa diffusion», cette déprogrammation aurait «pour conséquence nécessaire d’empêcher une partie du public d’y avoir accès», estime la justice.
«Liberté d’expression»
Le juge a également estimé que «la seule diffusion d’une œuvre cinématographique susceptible de présenter un caractère religieux dans un cinéma municipal exploité en régie ne porte pas, par elle-même, atteinte au principe de laïcité», dès lors que «cette diffusion n’exprime pas la reconnaissance par la commune d’un culte, ne marque pas une préférence religieuse à l’égard de ce culte par cette commune et n’a pas pour effet d’accorder une subvention directe ou indirecte à une telle œuvre».
Par cette déprogrammation, «le maire de Marseille a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression et à la liberté de création et à la liberté de diffusion artistiques», cingle la justice.
La mairie se plie à la décision de justice
Le sénateur d’extrême droite Stéphane Ravier s’est félicité de cette décision, auprès de l’AFP : «C’est une très grande satisfaction d’avoir obtenu confirmation par la justice que le maire de Marseille a fait preuve de censure. Il n’y avait pas dans cette programmation de promotion d’une religion par rapport à une autre mais une œuvre artistique».
De son côté, dans un court communiqué, la ville de Marseille a annoncé prendre «acte de la décision», précisant qu’elle «sera bien sûr appliquée et le film (diffusé) comme initialement programmé».
Lors de la sortie du film les réalisateurs avaient dénoncé le refus des régies publicitaires de la RATP et de la SNCF d’en accepter la promotion.