Menacés de mort, la directrice de la prison des Baumettes à Marseille et un de ses adjoints ont été temporairement éloignés de leurs fonctions et font l’objet de mesures de protection, ont annoncé ce vendredi 6 décembre des sources concordantes, confirmant une information de la Marseillaise. Ces menaces auraient été faites dans le cadre d’un «contrat» émis par un détenu, membre présumé d’un gang de narcotrafiquants, explique une source proche du dossier. Dans la soirée, le parquet de Marseille a annoncé la mise en examen de deux hommes, âgés de 17 et 21 ans, qui ont été placés en détention provisoire.
Le ministère de la justice a qualifié la situation d’«exceptionnellement grave et sérieuse», précisant que le garde des Sceaux s’est personnellement entretenu avec les agents pénitentiaires concernés «et les a assurés de sa protection et de son soutien». Le ministre a jugé «inadmissible que des personnels de justice soient ainsi menacés dans l’exercice de leurs fonctions». Selon des sources syndicale et proche du dossier, un «contrat» ciblant le chef de détention des Baumettes aurait été émis par un détenu, soupçonné d’appartenir au gang de narcotrafiquants DZ Mafia. «Une récompense de 120 000 euros» a été proposée par «un ‘voyou’ en lien avec le crime organisé», dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, a affirmé vendredi dans un communiqué le syndicat UFAP Unsa PACA Corse.
Course poursuite
Dans un communiqué, le procureur de Marseille Nicolas Bessone a précisé avoir ouvert dimanche 1er décembre une enquête «à la suite de manœuvres d’intimidation et de menaces à l’encontre du personnel pénitentiaire de la maison d’arrêt des Baumettes». Les deux suspects ont été interpellés dans la nuit de dimanche à lundi «aux abords de l’établissement pénitentiaire après une course poursuite au cours de laquelle ils se sont débarrassés d’un sac contenant une arme de catégorie B» (arme à feu), a-t-il poursuivi.
A l’issue de leur garde à vue, ils ont été mis en examen notamment pour «tentative d’homicide volontaire avec préméditation ou guet-apens», «participation à un groupement en vue de la préparation d’un assassinat en bande organisée» et «menaces, violences, ou tout autre acte d’intimidation en vue d’obtenir de personnes dépositaires de l’autorité publique, qu’ils accomplissent ou s’abstiennent d’accomplir un acte de leur fonction», a précisé le procureur. «Cet appel au meurtre dépasse toutes les limites et illustre les dangers insupportables auxquels sont exposés les personnels pénitentiaires», a dénoncé l’UFAP Unsa PACA Corse qui «exige un plan national ambitieux pour assurer la sécurité des personnels et mettre fin à l’impunité dans nos établissements».
«Gravité exceptionnelle»
Selon FO Justice, syndicat majoritaire en région Paca, un «seuil inédit» a été franchi avec ce «contrat pour assassinat» visant la direction de la prison des Baumettes et posté sur les réseaux sociaux. Il s’agit d’un incident «d’une gravité exceptionnelle», qui constitue «une véritable déclaration de guerre contre le personnel pénitentiaire», a insisté le syndicat dans un communiqué. «Un contrat sur la tête de deux agents émanant du crime organisé, c’est une première», a commenté Jessy Zagari, délégué régional du syndicat FO Justice.
Narcotrafic
Ce nouvel épisode intervient après plusieurs événements ces derniers mois comme l’incendie du logement d’un agent ou l’agression d’une surveillante de la prison d’Aix-Luynes, où sont également incarcérés de nombreux délinquants liés au narcobanditisme marseillais.
Pour FO Justice, il est donc «urgent de réagir» avec des mesures adaptées, comme des brouilleurs téléphoniques efficaces pour empêcher les détenus de piloter des actions criminelles, ou «un renforcement législatif» face à un crime organisé vu comme une «mexicanisation». «Tous les brouilleurs de téléphone n’ont pas été installés et quand ils l’ont été, on s’est rendu compte qu’ils étaient déjà obsolètes et ne fonctionnaient qu’à 40 ou 50 %. L’administration est trop lente à réagir face aux évolutions», estime Jessy Zagari.
Outre ces phénomènes de menaces et d’intimidations auprès des fonctionnaires, les violences liées au trafic de drogue dans la région marseillaise ont fait 23 morts depuis janvier. En 2023, le narcobanditisme avait coûté la vie à 49 personnes à Marseille, sur fond de bataille de territoires entre deux gangs, la DZ Mafia et Yoda, le premier ayant finalement pris le dessus.
Mise à jour : à 21h50 avec la mise en examen de deux hommes.