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Libération
Tensions

Martinique : Rodrigue Petitot, le leader du mouvement contre la vie chère, interpellé et placé en garde à vue

Le président du RPPRAC a été arrêté mardi 12 novembre pour s’être introduit dans l’enceinte de la résidence du préfet de l’île afin de rencontrer le ministre des Outre-mer. Dans la foulée, des tensions ont éclaté aux abords du commissariat de Fort-de-France et dans plusieurs quartiers.
Rodrigue Petitot à Paris le 3 novembre 2024. (Geoffroy Van Der Hasselt/AFP)
publié le 13 novembre 2024 à 12h00

Comme souvent en Martinique tout est parti d’une vidéo, filmée au téléphone mardi 12 novembre dans un quartier de Fort-de-France. On y voit Rodrigue Petitot, le leader du RPPRAC, l’organisation à l’origine du mouvement contre la vie chère, bob rouge sur la tête et t-shirt de la même couleur sur le dos, être escorté par cinq policiers au visage cagoulé. Sur une autre, on le voit ensuite être placé de force à l’arrière d’une voiture banalisée, le tout sous les invectives d’une dizaine de personnes. Les vidéos se sont répandues comme une traînée de poudre, massivement partagées dans des boucles WhatsApp et sur les réseaux sociaux. Et avec elle, une information, vécue comme un choc sur l’île : le «R», comme tout le monde l’appelle en Martinique, a été arrêté.

Dans l’après-midi, le parquet de Fort-de-France a confirmé l’interpellation et le placement en garde à vue de Rodrigue Petitot après une plainte pour violation de domicile et actes d’intimidation à l’encontre de personnes exerçant une fonction publique. Concrètement, il lui est reproché de s’être introduit la veille avec plusieurs membres du RPPRAC dans l’enceinte de la résidence préfectorale dans le quartier huppé de Didier à Fort-de-France. Une intrusion dont le but était d’obtenir un entretien avec le ministre des Outre-mer, François-Noël Buffet, actuellement en visite en Martinique.

Sur des extraits d’un live TikTok diffusé lundi soir, on voit d’abord Rodrigue Petitot discuter avec des forces de l’ordre qui bloquent l’accès à la résidence, puis finalement être semble-t-il autorisé à passer avec quelques personnes. Sur d’autres, on le voit échanger de manière très véhémente avec le préfet de la Martinique, Jean-Christophe Bouvier. La conversation tourne à la cacophonie, à celui qui crie le plus fort, et les membres du RPPRAC sont finalement raccompagnés vers la sortie.

Le préfet Jean-Christophe Bouvier a jugé l’attitude du collectif «inacceptable, inimaginable, intolérable». Mardi matin, en marge d’un point avec les différentes parties ayant négocié l’accord pour faire baisser les prix d’une partie des denrées alimentaires (le RPPRAC avait quitté les négociations en cours de route), François-Noël Buffet en a remis une couche. «La situation d’hier soir et les comportements d’hier soir mettent fin à la possibilité» d’une rencontre avec le RPPRAC «à tout le moins provisoirement», a déclaré le ministre face à une poignée de journalistes. «Je n’ai pas de difficulté pour être l’interlocuteur d’un certain nombre de personnes, quoiqu’il y a une condition à ça, la première c’est qu’on se respecte les uns et les autres. Et qu’on ne commette pas des infractions pour forcer des décisions et en la circonstance pour forcer le passage.»

Barrage et rassemblement

Après l’arrestation de Rodrigue Petitot, la secrétaire du RPPRAC, Aude Goussard, a dit craindre au micro de la radio locale RCI «une nouvelle nuit de perturbations qui sera de la responsabilité du préfet et du ministre». Dans la soirée, une grosse centaine de personnes se sont rassemblées devant le commissariat de Fort-de-France pour appeler à sa libération. Plusieurs gendarmes, placés autour du commissariat, ont subi des tirs de grenade, de mortiers et d’armes à feu. Trois d’entre eux ont été blessés dans les heurts.

D’autres incidents ont eu lieu dans la nuit. Un barrage a été érigé dans le quartier de Sainte-Thérèse où Rodrigue Petitot dit habiter. Plusieurs arbres ont aussi été brûlés dans le centre de Fort-de-France. Sur WhatsApp, une liste des lieux à bloquer «demain et dans les jours à venir» circule, et les appels à «soutenir» ou à «faire honneur au R» se multiplient.

Après deux mois de manifestations et de barrages visant notamment les différentes enseignes de grande distribution de Martinique, le RPPRAC s’était envolé vers l’Hexagone il y a une dizaine de jours pour exporter le mouvement à Paris. Après deux manifestations dans la capitale, le 3 et 10 novembre, Rodrigue Petitot et les autres figures du mouvement étaient rentrées lundi en Martinique pour y accompagner la visite du ministre. Il leur reste encore deux jours pour rencontrer François-Noël Buffet qui doit repartir de l’île jeudi en fin de journée.

Pour tenter d’éteindre l’incendie, le ministre a d’ailleurs rappelé mardi que l’accord négocié entre la grande distribution et les élus, devant permettre une baisse de 20 % du prix d’environ 6 000 produits en Martinique et en Guadeloupe, entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2025.