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Rencontre

Abolition de la peine de mort : entre Maurice et Alain, une amitié à l’ombre de la guillotine

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En 1972, l’avocat Alain Fraitag sauve la tête de son client Maurice Hincellin, devant la cour d’assises de l’Aisne. De ce moment de terreur est née une incroyable relation qui a perduré, par-delà le temps et les barreaux.
L'avocat Alain Fraitag dans son cabinet parisien, le 23 septembre. (Frédéric Stucin/Libération)
publié le 30 septembre 2021 à 2h55

La lettre est rédigée d’une jolie écriture à l’encre noire, si régulière que l’on dirait de la calligraphie. Ce 7 juin 1971, Jacky prend la plume depuis la maison d’arrêt de Soissons. Il écrit douze pages à «Monsieur le juge», douze pages emportées par une conviction : son codétenu «peut bénéficier de très larges circonstances atténuantes». Certes, il a «quelques scrupules à dévoiler cette histoire, à l’insu de l’intéressé», mais il «estime très important pour une meilleure compréhension de son affaire que sa mauvaise vie n’apparaisse plus comme le fait du hasard ou d’une prédisposition naturelle à mal agir». Dans une plaidoirie aussi tendre que lyrique, il narre la vie d’un certain «Hincellin», un «petit garçon qui défaillait de peur en entendant l’orage» et a grandi sans «l’amour maternel qui enveloppe, protège, illumine l’âme des enfants», à devoir voler des sacs de maïs dans les champs, des transistors ou des voitures. Hincellin qui, plus tard, «a commis un geste irréparable», peut-être parce que «jamais une main secourable n’a été tendue». Hincellin qui a «passé sa vie à côté du bonheur». «Il faudrait, il aurait fallu le plaindre et non le blâmer, le guérir et non le punir», conclut-il.

Ces quelques feuillets dorment parmi des centaines de papiers jaunis, de courriers administratifs et de procès-verbaux, autant de bribes qui esquissent la vie judiciaire d’un inconnu : Maurice Hincellin n’a jamai