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Libération
Surpopulation carcérale

Mayotte : les surveillants pénitentiaires bloquent l’accès de la prison la plus densément peuplée de France

Les travailleurs de l’établissement pénitentiaire de l’archipel fustigent des conditions de travail dégradées et des détenus entassés dans les cellules. Une situation qui se serait aggravée depuis le début l’opération policière Wuambushu.
Des gendarmes français patrouillent dans une rue après que des affrontements ont éclaté à Majicavo, une commune faisant partie de la ville de Koungou, le 25 avril 2023. (Chafion Madi/AFP)
publié le 5 juin 2023 à 17h41

Une trentaine de surveillants pénitentiaires ont bloqué ce lundi matin l’accès de la seule prison de l’archipel de Mayotte, pour protester contre la surpopulation carcérale, encore aggravée par l’opération policière Wuambushu en cours. «On est à 230 % de taux d’occupation. Il y a 620 détenus pour 278 places», a indiqué Houmadi Mouhamadi, secrétaire général de FO pénitentiaire, en chasuble orange devant un feu de pneus face au portail cadenassé de la prison Majicavo-Koropa.

Selon les statistiques publiées le 1er mai par le ministère de la Justice, le centre de détention du département de l’océan Indien détient, avec un taux d’occupation de 250,9 %, la palme de l’établissement pénitentiaire français le plus densément peuplé. Cette surpopulation a rendu les conditions de travail insupportables pour les surveillants, dénonce-t-il. «Il arrive qu’on se retrouve seul avec 120 détenus. On travaille douze heures par jour. Et les arrêts de travail des collègues se multiplient», explique le surveillant.

Selon lui, la situation s’est aggravée depuis le coup d’envoi le mois dernier de l’opération Wuambushu («reprise» en mahorais), qui vise à réduire l’habitat insalubre et à expulser les migrants en situation irrégulière, pour la plupart venus de l’archipel voisin des Comores. «Avant l’opération, il y avait en moyenne une à deux entrées par jour. Là, nous sommes passés à cinq. Les interpellations se sont multipliées. Pour nous, ce n’est pas tenable», désespère Houmadi Mouhamadi. Aujourd’hui, les cellules dites «individuelles» comptent jusqu’à quatre détenus. «Et on ne peut pas raconter tout ce qu’il se passe», témoigne Saïd Gamba, un surveillant représentant de la CGT.

Un projet de nouvelle prison

Tous les représentants syndicaux de l’établissement demandent des renforts envoyés de métropole. «Nous avons demandé 40 personnes supplémentaires mais ils nous proposent uniquement 10 renforts. Nous ne sommes pas écoutés», s’agace Houmadi Mouhamadi. Les surveillants demandent en outre que le centre pénitentiaire soit désengorgé par des «transferts massifs» de détenus vers La Réunion ou la métropole.

La construction d’une nouvelle prison de 300 à 400 places à Mayotte, annoncée par le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, en mars 2022, est toujours en projet mais ni sa localisation ni le calendrier de sa construction n’ont été dévoilés. «C’est un projet qui pourrait prendre dix ans», souligne Ahmed Hassani, également surveillant à Majicavo-Koropa. L’extension de la prison actuelle est également en cours d’étude. «Il y a une réunion le 8 juin pour parler de la création d’un nouveau bâtiment qui compterait 100 cellules supplémentaires. Ça avance, mais c’est très lent», estime Houmadi Mouhamadi.