«Une balle dans la nuque.» La menace lancée le 3 octobre dernier par le site d’extrême droite Réseau libre à l’encontre de 180 journalistes, élus, syndicaliste et avocats est loin d’être équivoque. Ce vendredi 12 juillet, 44 personnalités figurant sur cette liste ont porté plainte contre X auprès de la procureure de Paris, pour «menaces de mort et menaces de mort contre un avocat». Parmi elles, figurent des journalistes tels Ariane Lavrilleux, Salomé Saqué, Emilie Laystary (journaliste à Libération), Nassira El Moaddem, ainsi que des personnalités comme Sophie Binet.
L’obscur site d’extrême droite Réseau libre créé en 2015, qui s’est fait connaître du grand public en publiant le 3 juillet une «liste d’avocat à éliminer», puis en appelant le 8 juillet à tuer quatre figures politiques de gauche, n’en était pas à son coup d’essai. Ces deux publications morbides massivement relayées par la presse ont mis un coup de projecteur sur ce site xénophobe hébergé en Russie et ont permis de faire remonter d’autres textes publiés, plus anciens, mais d’une nature similaire.
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Le 3 octobre dernier, un internaute sous le pseudonyme «Condor», à l’origine des listes «d’avocats à éliminer», écrivait un sombre billet en réaction à la tribune relayée par le quotidien l’Humanité lors des états généraux de l’information : «L’information : les attaques contre les journalistes doivent cesser !» et signée par 180 journalistes, personnalités politiques ou activistes. La publication, supprimée depuis, fustigeait que des journalistes, requalifiés de «fouille-merde» pour l’occasion, demandent au gouvernement de protéger «le libre exercice de leur mission d’information» alors qu’ils se «permettent de diffamer et accuser toute personne qui leur déplaît».
En faisant un copier-coller de la liste des signataires de la tribune de l’Humanité, «Condor» publie la liste des «candidats à l’exécution le jour où (si…) les Patriotes décident de se sortir les doigts du cul» qui devront être abattus d’une «balle dans la nuque».
Cette liste était restée dans l’ombre jusqu’à la semaine dernière où elle a été déterrée, à l’occasion de la sortie du texte suivant. Dans la foulée, différentes personnalités de la presse ont exprimé leur inquiétude. «On dénonce les journalistes. On les harcèle. On finit par les tuer, a mis en garde Dominique Pradalié, la présidente de la Fédération internationale des journalistes, dans les colonnes de l’Humanité. Ces menaces peuvent être extrêmement concrètes.» Figurant dans la liste, la journaliste pour Blast, Salomé Saqué, avertissait sur son compte Instagram : «Un pays où nous [les journalistes ndlr] ne pouvons plus exercer sans crainte de mourir n’est pas une démocratie.»
Deux corpus de plaintes déposés
Portée ce vendredi 12 juillet devant le tribunal de Paris par l’avocat Joseph Breham, lui-même plaignant, la plainte rassemble 44 plaignants dont le nom figure dans la liste des «candidats à une balle dans la nuque».
En parallèle, le cabinet Brengarth & Bourdon a déposé un autre corpus de plainte, contenant notamment celle du journaliste d’Au Poste David Dufresne, auprès du parquet de Paris pour «menaces de mort» et «provocation de commettre un crime ou un délit».
Après que Réseau libre a appelé à «éliminer» des avocats signataires d’une tribune contre le Rassemblement national (RN) pendant l’entre-deux tours, le parquet de Paris a déjà ouvert une enquête le 11 juillet. Un signalement transmis au ministère public par le conseil de l’Ordre du barreau de Paris a permis le lancement des investigations pour «menaces de mort envers avocats et cyberharcèlement». Celles-ci ont été confiées l’Office anti-cybercriminalité (Ofac) de la police judiciaire de Versailles.