«Si on le laisse avec quelqu’un, ce sera une dinguerie !» L’alerte avait déjà été lancée par un codétenu, en vain. Quelques semaines plus tard, A.M. égorgeait Robin Cotta, 22 ans, dans sa cellule de la maison d’arrêt des Baumettes, à Marseille. Ce lundi 13 janvier, la cellule d’investigation de Radio France révèle que la mort de ce jeune homme, inconnu de la justice avant une interpellation pour faux et usages de faux, aurait pu être évitée si les nombreuses alertes lancées par l’intéressé avaient été entendues, selon de nombreux éléments de l’enquête policière.
Selon Radio France, Robien Cotta est interpellé le 21 septembre 2024 dans une pharmacie des Alpes-de-Haute-Provence alors qu’il est en possession de fausses ordonnances pour obtenir du sirop codéiné, ingrédient nécessaire à la fabrication d’un cocktail euphorisant. Mis en examen et placé en détention provisoire, le jeune homme au casier judiciaire vide intègre la maison d’arrêt des Baumettes. Pendant plusieurs jours, sa détention semble se dérouler normalement, il écrit même une lettre à son père expliquant que l’enquête devrait être «rapide», car il «déjà tout dit». «Je vais assumer comme un homme.»
Trois courriers adressés à la direction
Le 4 octobre, Robin Cotta est placé en cellule avec un nouveau codétenu : A.M., 25 ans, incarcéré depuis un mois et déjà condamné pour des faits de vol et de violences. «Lors de l’enquête, plusieurs détenus ont expliqué aux policiers que A.M. avait déjà menacé certains de ses trois codétenus en mimant notamment de les découper à la machette», précise la cellule investigation de Radio France. Pendant six jours, Robin Cotta tente par tous les moyens de changer de cellule. Trois courriers ont même été adressés à la direction des Baumettes, dont une le jour de sa mort, précise le rapport pénitentiaire. En réponse à cette ultime missive, le responsable du quartier des arrivants – zone d’accueil de la maison d’arrêt en proie à une très forte surpopulation carcérale – répond qu’il ne peut recevoir Robin avant le lendemain.
Intimidation
Entre-temps, le jeune détenu a utilisé l’interphone de sa cellule, dont les communications doivent obligatoirement être consignées par les surveillants pénitentiaires, afin de demander à être déplacé dans la cellule faisant face à la sienne. Selon des images de vidéosurveillance, un gardien semble remarquer vers 17h04 que Robin agite un bout de papier sous la porte de sa cellule. Un peu plus d’une heure plus tard, d’autres images montrent le même surveillant discuter avec le jeune homme et A.M. Le premier refuse catégoriquement de réintégrer sa cellule, il demande même à être transféré à l’isolement pour ne pas rester avec A.M. Demande rejetée, «faute de place». Une heure plus tard, Robin est retrouvé mort dans sa cellule.
«J’avais confiance en l’Etat et la prison»
L’administration pénitentiaire confirme de son côté qu’une enquête administrative a également été lancée et que, «une procédure judiciaire étant en cours», le ministère de la Justice «ne peut répondre à [nos] question». Elle ajoute que l’affaire «n’est pas prise à la légère». «Par ailleurs, les personnels du centre pénitentiaire des Baumettes, très marqués par cette affaire, ont tous reçu une proposition de soutien psychologique et quelques un d’entre eux ont saisi cette proposition», informe la même source. La famille de Robin Cotta se dit prête à porter plainte contre la direction des Baumettes. «Mon fils n’était pas Pablo Escobar, explique la mère de Robin à Radio France. J’avais confiance en l’Etat et la prison.»
Radio France précise enfin qu’A.M. n’aurait même pas dû se retrouver en cellule avec Robin Cotta. Une note de service de la direction du centre pénitentiaire des Baumettes demande que les nouveaux arrivants soient observés et évalués pendant quinze jours avant d’être affectés dans un autre quartier. Or, A.M. était toujours parmi les arrivants un mois après son arrivée aux Baumettes. Un quartier qui comptait, d’après les informations de Radio France, près de 120 détenus au moment de la mort de Robin Cotta, quand le taux d’occupation normal est de seulement 62 places.
Mise à jour le mardi 14 janvier, ajout d’une citation de l’administration pénitentiaire.