Olivier était guidé par une «envie obsessionnelle de tuer une personne». Ce vendredi 2 mai, la procureure de la République de Nîmes, Cécile Gensac a fait un point d’étape sur l’enquête concernant la mort d’Aboubakar Cissé, lardé de dizaines de coups de couteau le 25 avril. Les faits s’étaient déroulés vers 9 h 30, dans la salle de prière de la mosquée Khadidja à La Grand-Combe, petite commune gardoise de moins de 5 000 habitants au nord d’Alès.
Cécile Gensac a notamment expliqué pourquoi le Parquet national antiterroriste (Pnat) ne s’était pas saisi de l’affaire, les avocats de la famille Cissé ayant annoncé à plusieurs médias leur intention de déposer une plainte avec constitution de partie civile ce vendredi pour que l’enquête soit requalifiée en assassinat terroriste. Mais pour l’instant, seule une enquête pour assassinat, notamment en raison de la religion, a été ouverte lundi par le parquet de Nîmes.
«Quelle que soit la cible»
Elle décrit un meurtrier ayant agi «dans un contexte isolé, sans revendication idéologique ou lien avec une organisation qui diffuserait une revendication idéologique qu’elle entendrait porter par l’intimidation ou la terreur» et ayant une «fascination morbide», une «envie de tuer quelle que soit la cible». Selon la procureure, la non-saisine du Pnat ne doit pas être vue comme «une relativisation des faits» et ce dernier «reste en observation sur l’affaire». Rien ne permet d’expliquer pourquoi «il entre dans cette mosquée» et agresse cette personne précise, selon elle.
Elle a ensuite détaillé le déroulé des faits. Olivier est repéré par des vidéos de surveillance passant à vélo devant la mosquée sans s’arrêter à 8 h 45. Il n’est pas connu des fidèles de l’établissement. Il fait ensuite demi-tour, rentre dans l’établissement et ressort quatre minutes plus tard. Il s’assoit alors sur un banc et sort son portable.
Il entre ensuite à nouveau dans la mosquée et échange brièvement avec Aboubakar Cissé. Quand celui-ci se penche pour faire la prière, le jeune homme sort une lame de dix centimètres et le frappe vingt fois. D’abord au niveau du cou puis sur le corps. Il s’éloigne, revient sur les lieux et frappe de nouveau. Il sort ensuite son téléphone portable et semble asséner de nouveaux coups tout en filmant. Cinquante-sept plaies, au total, ont été retrouvées sur le corps de la victime.
«Je vais le faire aujourd’hui»
Le même jour, les forces de l’ordre sont avisées d’une vidéo réalisée par l’agresseur circulant sur un réseau social. Deux personnes ont signalé les faits. Ce n’est pas leur premier signalement. Elles ont notamment été membres d’un groupe géré par l’agresseur sur le réseau Discord. Groupe dont elles ont été bannies après avoir critiqué des vidéos de scarification. Elles avaient effectué des signalements sur la plateforme Pharos en raison de vidéos postées par l’auteur sur TikTok et de propos tenus sur Discord sur un possible passage à l’acte.
Olivier avait ainsi précisé «en amont qu’il allait s’en prendre physiquement à quelqu’un, sans préciser ni qui ni où, et sans faire référence à une ethnie ou une religion, épris d’une volonté farouche de tuer quelqu’un et à défaut de se suicider, le tout comme un acte libérateur», a rapporté Cécile Gensac, détaillant ensuite la discussion du jeune homme le jour même sur la plateforme.
«Je vais le faire aujourd’hui, je vais le faire dans la rue», dit le futur meurtrier, le vendredi 25 avril au matin. «Tu le connais ?» lui répond un interlocuteur. «Non», répond-il. «Je vais m‘attaquer à la mosquée ? Je n’ai pas trop d’idée.» Puis, une fois sur place, devant la mosquée Khadidja de La Grand-Combe, il lâche : «Il est noir [à propos de sa future victime, ndlr], je vais le faire». Agé de 20 ans, de nationalité française et né à Béziers, Olivier est le fils d’un couple vivant avec onze enfants. Il s’est finalement rendu dans un commissariat dimanche soir en Toscane. Il sera remis aux autorités françaises mi-mai et pourra alors être mis en examen. «Un examen approfondi de sa personnalité» devra être réalisé, a complété Cécile Gensac.
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Sur le plan politique, après un imbroglio autour de la raison de l’absence de visite du ministère de l’Intérieur, Bruno Retailleau, à la famille d’Aboubakar Cissé, cette dernière sera bien reçue Place Beauvau lundi 5 mai. L’émoi est grand dans la communauté musulmane. Une semaine après la mort du jeune Malien de 22 ans, des mosquées de France ont organisé une salat al-ghaib – prière funéraire sans dépouille – en marge de leurs traditionnelles prières du vendredi. A la mosquée de La Grand-Combe (Gard), une prière mortuaire a été organisée devant son cercueil. Environ 700 personnes étaient présentes. Le corps du défunt doit être accueilli à la Grande Mosquée de Paris lundi à 11 heures, où une prière et un recueillement religieux seront organisés, a annoncé vendredi le recteur. Celui-ci appelle «l’ensemble des fidèles, hommes et femmes, à se joindre à cette prière d’adieu dans la dignité, l’unité et la foi». Il sera ensuite rapatrié au Mali à une date non encore précisée, dans la localité de Yaguiné, au cœur de la région de Kayes, selon une membre du Haut Conseil des Maliens de France.