Sous le feu des critiques de la droite et de l’extrême droite dans le sillage de l’affaire Lola, l’exécutif a estimé ce mercredi qu’il devait «faire mieux» sur les expulsions d’immigrés irréguliers, tout en taclant les tentatives de récupérations politiques de cette affaire. Au Sénat, c’est Bruno Retailleau, président du groupe LR, par ailleurs candidat à la présidence du parti, qui a lancé les manœuvres. Evoquant Lola, «sauvagement agressée et morte», il a demandé à la Première ministre Elisabeth Borne si elle reconnaissait une défaillance de l’Etat, tout en avançant que les «Français réclament des comptes» et que «le désordre migratoire» peut tuer.
Pour la Première ministre, c’est avant tout le «choix de la dignité» qui doit primer. «Savez-vous ce qu’ont demandé les parents de Lola ? Du respect. La paix pour la mémoire de Lola. Et qu’on les laisse faire leur deuil dans la dignité […] Je crois que la dignité nous commande de ne pas exploiter la douleur indicible d’une famille, de ne pas utiliser la mort d’une enfant à des fins politiciennes. Ce que nous devons à la mémoire de Lola et à toute sa famille, c’est la justice».
Lola : "La dignité nous commande de ne pas exploiter la douleur indicible d’une famille et de ne pas exploiter la mort d’une enfant à des fins politiciennes. Ce que nous devons à la mémoire de Lola, c'est la justice, et c’est la République qui la rendra." @Elisabeth_Borne #QAG pic.twitter.com/bcKy8AC7sd
— Public Sénat (@publicsenat) October 19, 2022
Lola, une adolescente de 12 ans, a été tuée dans des conditions atroces vendredi dernier, dans le XIXe arrondissement de Paris. La principale suspecte, Dahbia B., est une femme de 24 ans, de nationalité algérienne. Elle était entrée légalement en France en 2016 avec un titre de séjour étudiant mais depuis le 21 août dernier sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Comme elle n’avait aucun antécédent judiciaire et qu’elle n’était connue de la police qu’en tant que victime de violences conjugales, l’OQTF avait été délivrée avec un délai de retour de 30 jours dans son pays.
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«Le moment n’est pas venu de faire un procès politique»
Deux heures plus tôt, à la sortie du conseil des ministres, c’est le porte-parole du gouvernement Olivier Véran qui a rappelé que l’ensemble des membres du gouvernement saluent le «courage» des parents de Lola, «qui font face à l’indicible». Avant de donner quelques précisions au sujet de la polémique autour du statut de la principale suspecte. «Le niveau de respect des OQTF aujourd’hui est le niveau maximal connu du temps du quinquennat du président Sarkozy», a souligné Olivier Véran, tout en précisant que ce n’est pas «satisfaisant». «Nous travaillons d’arrache-pied pour faire en sorte que les expulsions» soient «suivies d’effets», mais «nous devons évidemment faire mieux», a-t-il même précisé. Et de donner des chiffres : «On a multiplié par quasiment vingt le nombre d’OQTF à destination d’Algérie par rapport à l’année dernière, qui était une année assez exceptionnelle, compte tenu de la situation sur le Covid», a précisé le ministre.
Face à ceux qui polémiquent ou veulent récupérer cette affaire, le porte-parole du gouvernement leur a demandé de faire preuve de «dignité». «Le moment n’est pas venu de faire un procès politique, de la surexploitation politicienne, comme nous le voyons faire depuis quelques jours, c’est le souhait de la famille», a critiqué le ministre. «Evidemment que nous souhaitons les condamnations les plus fermes, évidemment que nous souhaitons que la justice suive son cours le plus rapidement et le plus fermement possible», a ajouté Olivier Véran. «Il y a beaucoup de réponses qu’il nous faut obtenir et ce n’est pas à un responsable d’un parti politique, à un parlementaire ou à des journalistes aujourd’hui que de faire ce travail, c’est à la justice de le faire et donc on respecte le temps de la justice», a-t-il mis en garde.
Mardi matin sur RTL, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a confirmé que «la suspecte n’est pas connue des services de police». «Elle est arrivée régulièrement en tant qu’étudiante sur le territoire national. Il y a à peine un mois qu’elle a une obligation de quitter le territoire, donc les choses se sont faites dans des conditions qui sont malheureusement non prévisibles, d’autant plus que cette personne est vraisemblablement elle-même connue comme victime de violences conjugales.» Des faits qui, selon une source judiciaire, remontent à 2018, deux ans après son arrivée en France.
Mis à jour : à 16 h 30 avec la réaction d’Elisabeth Borne au Sénat.