Elle méprisait les injures. Vanesa Campos Vasquez bombait le torse et levait la tête lorsqu’elle se faisait menacer. En 2018, cette travailleuse du sexe trans, pilier de la communauté des travailleuses du sexe trans et péruviennes du bois de Boulogne, a été tuée sur son lieu de travail d’une balle dans le thorax. Depuis, son visage est devenu le symbole des violences subies par ses anciennes collègues. Ce jeudi, l’accusation a requis des peines de quinze et vingt ans de réclusion contre deux accusés.
A lire aussi
L’avocat général Olivier Auféril a demandé la plus lourde peine, vingt ans de réclusion criminelle, pour Mahmoud Kadri, 24 ans, désigné par l’ensemble de ses coaccusés comme celui qui avait tiré sur Vanesa Campos dans la nuit du 16 au 17 août 2018, ce qu’il conteste. A l’encontre de Karim Ibrahim, 29 ans, également renvoyé devant la cour d’assises de Paris pour «meurtre en bande organisée», le représentant de l’accusation a sollicité une requalification en «complicité de meurtre» et une peine de quinze ans de réclusion.
Expédition punitive
L’avocat général a par ailleurs requis des peines de cinq ans d’emprisonnement, dont l’une assortie du sursis, contre six autres accusés âgés de 23 à 34 ans, pour leur participation à l’expédition punitive ayant conduit au meurtre ou pour le vol de l’arme du crime. Les avocats de ces derniers ont commencé à plaider dans l’après-midi, demandant à la cour de ne pas «valider la thèse de l’accusation» et de ne pas se «laisser happer par les condamnations générales» requises, sans distinction des personnalités de chacun. Pour les huit accusés d’origine égyptienne, l’avocat général a requis en outre une interdiction de port d’arme et une interdiction, d’une durée de dix ans ou définitive, du territoire français.
Vanesa Campos, Péruvienne de 36 ans, avait été tuée «dans des conditions sordides», près de son lieu de travail, dans l’un des endroits les plus reculés du bois de Boulogne, dénué d’éclairage public, a rappelé le représentant du ministère public. Elle s’était retrouvée «nue, sans défense, face à l’arrivée (d’une) meute», un groupe d’au moins une dizaine de jeunes hommes, armés et «galvanisés par un sentiment de toute-puissance», a souligné Olivier Auféril. Certains ont reconnu qu’ils détroussaient les clients de travailleuses du sexe trans sud-américaines, ce qui les avait contraintes à engager des hommes pour les protéger. Ce soir-là, les meneurs de la bande voulaient «reprendre la maîtrise du territoire en faisant cesser la résistance des prostituées», a pointé l’avocat général.
Insultes, crachats voire menaces… Le procès s’était ouvert ce mardi dans une ambiance extrêmement tendue. Au fil de la journée, plusieurs incidents provoqués par des accusés avaient éclaté dans l’enceinte de la cour d’assises de Paris. Dans cette affaire où «plusieurs versions s’affrontent», des «versions contradictoires, évolutives», le représentant de l’accusation a indiqué procéder «par déductions». Qui a tiré avec le pistolet dérobé une semaine avant dans la voiture d’un policier alors qu’il se trouvait avec une prostituée ? Est-ce Karim Ibrahim, comme l’affirme - et il est le seul - Mahmoud Kadri, pour qui ses coaccusés «se sont mis d’accord» pour le désigner coupable ?
Expulsé du box
Cette «théorie du complot m’apparaît peu crédible», a balayé l’avocat général, pour qui «Mahmoud Kadri est le tireur» et Karim Ibrahim, qui a «eu un rôle moteur dans l’organisation de l’expédition», son «complice». Olivier Auféril a demandé que l’accusation de «meurtre en bande organisée» reprochée à un troisième homme, Aymen Dib, soit requalifiée en participation à une association de malfaiteurs, «aucun élément» n’ayant selon lui confirmé qu’il avait bien porté un coup de couteau à la victime.
A lire aussi
Son réquisitoire de deux heures et demie, après quinze jours d’une audience chaotique, a été interrompu par les insultes à son égard d’un des accusés, Mahmed A., qui a été expulsé une nouvelle fois du box. Son avocat, Michaël Bendavid, a imploré la cour de «se hisser au-dessus [du] spectacle affligeant» donné par son client, qui ne faisait «pas partie» de la bande de voleurs et n’avait donc «aucun mobile». «Rien n’indique qu’il était présent au moment des violences», a insisté Michaël Bendavid, plaidant l’acquittement. «Il y a un principe : le doute profite à l’accusé», a également martelé la défense de Karim A, qui nie toute participation aux violences. Les plaidoiries de la défense se poursuivent vendredi. Verdict attendu samedi.