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Droit de suite

«Moi, pour 2 500 euros, je frappe» : trois hommes condamnés à de la prison ferme pour l’agression d’Oriane Filhol à Saint-Denis

Trois jeunes hommes, jugés en comparution immédiate, ont été condamnés ce vendredi pour avoir participé à l’agression de l’adjointe au maire, fin décembre.
Au palais de justice de Bobigny, le 15 janvier. (Ludovic Marin/AFP)
publié le 19 janvier 2024 à 19h44
(mis à jour le 19 janvier 2024 à 19h44)

Ils assurent qu’on leur promettait 2 500 euros pour tabasser une élue dans la rue : trois jeunes hommes ont été condamnés ce vendredi 19 janvier en Seine-Saint-Denis pour le guet-apens tendu en décembre à Oriane Filho, une adjointe au maire de Saint-Denis. Le tribunal correctionnel de Bobigny a infligé une peine de dix-huit mois de prison dont six avec sursis probatoire à un prévenu de 22 ans. Agés de 18 ans, les deux autres ont été condamnés à douze mois de prison dont six avec sursis, et huit mois de prison avec sursis probatoire. Le tribunal a estimé qu’ils ne connaissaient pas la qualité d’élue de la victime.

Le 20 décembre au soir, la 6e adjointe au maire PS Mathieu Hanotin, Oriane Filhol, sort d’une réunion à Saint-Denis du conseil d’administration du bailleur social Plaine Commune Habitat, dont elle assure aussi la vice-présidence. Rentrant chez elle, la jeune femme comprend que deux individus la suivent dans la rue. Elle tente de les semer, change de chemin. Entrant dans une résidence privée dont elle connaît le digicode, elle se met à courir. Mais l’un des deux hommes la rattrape sous le porche, lui fait une balayette et la frappe à la tête avant de prendre la fuite, sans piper mot. L’agression provoquera l’émoi du monde politique.

A la barre, seulement légèrement blessée mais encore choquée, Oriane Filhol raconte d’une voix étranglée se sentir «beaucoup moins libre, beaucoup moins sereine» depuis cette attaque, survenue dans un contexte de recrudescence nationale de violences contre les élus. «On ne m’a rien volé comme objet mais j’ai l’impression qu’on m’a volé ma liberté de femme, de personne dans la rue, et aussi qu’on m’a volé un peu de ma volonté d’engagement en tant qu’élue», relate la trentenaire, entre ses larmes, poignante.

Un commanditaire inconnu

Confiée au service spécialisé de la sûreté territoriale en raison de la sensibilité du dossier, l’enquête a abouti à l’arrestation mercredi de trois jeunes de Saint-Denis, deux exécutants et un chauffeur présumés. Ils ont été jugés en comparution immédiate ce vendredi après-midi. Les mis en cause, au casier judiciaire vierge, expliquent s’être vu promettre 2 500 euros chacun par un commanditaire qui n’a pas été identifié pour passer à tabac la victime, qui leur a été désignée dans la rue et dont ils ignoraient l’identité.

«Il fallait juste taper et rien dire, pas de vol, rien. Moi, pour 2 500 euros, je frappe, même si c’est une femme. J’ai pas tiré les cheveux, rien», a raconté en garde à vue Karl N., qui est celui qui a frappé l’élue, peu loquace à l’audience. Voyant que la cible était «une fille», Nader T., dit «le Nain» en raison de sa petite taille, a préféré rester en arrière au dernier moment et ne pas participer à l’agression. L’omerta plane sur le nom du commanditaire de l’agression – un «daron», «un bledard», «entre 30 et 50 ans». «Si je parle de lui à la police, je sais ce qu’il peut me faire, madame. Comme je l’ai dit [à un enquêteur], je sais pourquoi je ne vais jamais sortir son prénom, je sais ce qu’il peut me faire», dit à la barre le jeune homme de 18 ans.

Venus en nombre à l’audience avec l’espoir que la lumière soit faite sur les raisons de cette agression, les membres de l’équipe municipale de Saint-Denis en sont repartis déçus. Face au tribunal correctionnel, le maire Mathieu Hanotin suppute un lien avec l’opération de rénovation urbaine prévue dans la cité des Francs-Moisins, quartier sensible dont sont originaires deux des jeunes. «Le projet de rénovation urbaine va complètement exposer le point de deal», a expliqué l’édile.

«Je suis contente que ça ait pu se passer et que les auteurs aient été reconnus coupables, a déclaré à la presse Oriane Filhol, à l’issue de l’audience. J’aimerais qu’on ait un jour l’explication finale […] qui permettra de savoir pourquoi et qui. Là, ce sont les hommes de main qui ont pris pour tout le monde mais le coupable qui a pensé ça et monté cette attaque n’a pas encore été retrouvé.» A ses côtés, Mathieu Hanotin, s’est félicité qu’un «message clair» ait été envoyé : «Quand on frappe des élus, on est sanctionné, il y a des peines de prison qui s’appliquent.»