Menu
Libération
Reportage

Après l’attaque à la voiture-bélier à L’Haÿ-les-Roses : «Vous avez vu ce qui est arrivé à la famille du maire ?»

Mort de Nahel, tué par un tir policier à Nanterredossier
Une enquête a été ouverte pour «tentative d’assassinat» après l’attaque du domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses, dans le Val-de-Marne, dimanche 2 juillet dans la nuit. Les messages de soutien affluent.
L'Haÿ-les-Roses, le 2 juillet 2023, dans le centre-ville, au petit matin de l'attaque du domicile du maire de la ville Vincent Jeanbrun. (Denis Allard/Libération)
publié le 2 juillet 2023 à 10h09

«C’est quoi ça, c’est une caserne ?» Plantée sur une petite dalle de pierre beige, la mairie de L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne) est enroulée sous les fils barbelés et les grilles de fer. Des barricades installées il y a deux jours, mais qui laissent encore entrevoir dimanche 2 juillet les stigmates des violences des jours passés, provoquées depuis mardi par la mort de Nahel, à Nanterre. Les éclats de vitres brisées percent la façade de verre. Et il est vrai qu’au premier regard, avec ses airs de forteresse assiégée, le bâtiment ressemble plus à une prison qu’à un Hôtel de Ville.

«Vous avez vu ce qui est arrivé à la famille du maire ?», interpelle, la voix inquiète, une femme coiffée d’un bob marron. «Qu’on soit d’accord ou pas avec lui, s’en prendre à sa famille, c’est moche tout de même», soupire-t-elle avant de partir, le pas pressé. «Quelle tristesse ce qui s’est passé», commente une femme endimanchée en passant près du marché, lui aussi barricadé de toute part. a quelques mètres de là, un boucher énumère les dégâts, montrant d’un air désabusé ce qu’il reste du marché.

Dans la nuit de samedi, le domicile du maire a été attaqué à la voiture-bélier. Son épouse et un de ses deux jeunes enfants ont été blessés. Une enquête a été ouverte pour «tentative d’assassinat», a indiqué le parquet de Créteil, selon qui les émeutiers ont vraisemblablement lancé le véhicule «pour brûler le pavillon». «Un accélérant a été découvert dans une bouteille de coca», a ajouté le procureur dénonçant des faits d’une «gravité extrême». Vincent Jeanbrun, porte-parole du parti Les Républicains et proche d’Eric Ciotti, a dénoncé sur Twitter «une tentative d’assassinat d’une lâcheté inqualifiable».

Une voiture de police garée en travers de la route bloque l’entrée de la rue où habitent le maire et sa famille, fermée d’une rubalise rouge et blanche, dans un quartier pavillonnaire et plutôt chic. «Vers 1h30 du matin, un véhicule enflammé a pénétré dans l’enceinte du pavillon du maire, retrace sur place le procureur de Créteil. Stoppé par un muret, seul le portail d’entrée et le véhicule de la famille ont été touchés.» «Entendant du bruit et voyant des flammes, l’épouse du maire a pris la fuite avec ses enfants par le jardin», détaille Stéphane Hardouin, précisant que ces derniers sont respectivement âgés de 5 et 7 ans. «Tout sera mis en œuvre pour confondre les auteurs et les traduire devant la justice», prévient le magistrat.

«J’ai entendu comme des pétards»

A quelques pas de la maison de l’élu, dans une robe bariolée de couleur, Fouzia, 72 ans, descend la rue avec son cabas bleu : «C’est scandaleux. Je suis très inquiète, parce qu’ils ont quand même voulu l’assassiner». «J’ai découvert ça ce matin», commente Jeanine. Voilà une trentaine d’années que cette femme de 84 ans vit à l’Haÿ-les-Roses, et pourtant dans cette commune tranquille du Val-de-Marne, elle affirme n’avoir «jamais vu une violence pareille». «On peut être pour ou contre le maire, et c’est vrai qu’il n’est pas très aimé par certains, mais s’attaquer à sa famille et ses enfants, c’est vraiment terrible», scande-t-elle en secouant la tête machinalement.

«J’ai entendu comme des pétards, et une voix disant qu’il y avait quelqu’un à l’intérieur.» Sur le perron de sa maison fleurie sous les roses et les hortensias, Johanna, robe bleu nuit et mules aux pieds, raconte les événements de la nuit, entourée de ses deux enfants en Crocs bleus et roses. «C’est un quartier très calme, très agréable à vivre, décrit celle qui vit à quelques numéros de la maison du maire. Le policier [qui a tué Nahel] est mis en examen donc je ne comprends pas que ça continue. Et puis ça s’est passé à Nanterre, on ne comprend pas que ça arrive jusqu’ici…»

Près d’elle, son fils d’une dizaine d’années observe les allées et venues des policiers et des journalistes. «J’espère que ça ne va pas se propager jusqu’à chez moi», avoue le jeune garçon un peu inquiet. En face, perché à l’étage de sa maison aux murs jaunes, Gilles, 67 ans, ouvre ses volets. Lui n’a rien entendu, mais sa femme a été réveillée par le bruit des mortiers d’artifices. «C’est un scandale de s’en prendre au maire, comme ça», fulmine-t-il en secouant ses cheveux blancs, avant que sa femme ne lui demande de rentrer.

Rapidement, la classe politique a tenu à apporter son soutien à l’élu. «Bravo pour ton courage et ta détermination à servir nos concitoyens ! Ne laissons passer aucune violence, verbale ou physique», a écrit le ministre de l’Economie, Bruno Lemaire. «S’attaquer à un maire, c’est s’en prendre à nous tous, à tous les citoyens. Toute la communauté nationale doit dire stop», a de son côté dénoncé Olivier Klein, le ministre de la ville. La présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, pointe du doigt la «lâcheté et l’ignominie d’une telle attaque».

A gauche, Olivier Faure a fait part de sa «colère immense» et condamné «sans équivoque cette spirale de la violence» tout comme le député LFI François Ruffin ou la présidente de la région Occitanie Carole Delga. La maire PS de Châtillon Nadège Azzaz a appelé à «des sanctions fermes et exemplaires pour ces lâches».