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Mort de Philippine : la famille de la victime refuse l’aide de la région Ile-de-France

Valérie Pécresse avait annoncé la veille que la Région allait prendre en charge les frais de justice de la famille de Philippine. «Libé» apprend ce vendredi 27 septembre que cette proposition a été refusée.
Les proches de Philippine lors de ses obsèques à Versailles, ce vendredi. (Alain Jocard/AFP)
publié le 27 septembre 2024 à 15h08

La région Île-de-France ne financera finalement pas les frais de justice de la famille de Philippine, l’étudiante de 19 ans retrouvée morte samedi dernier dans le bois de Boulogne, a appris ce vendredi 27 septembre Libération. «La famille nous a recontactés hier pour dire que la cagnotte [mise en place par des proches de Philippine, ndlr] atteindra un niveau suffisant pour tout couvrir, et n’aura pas besoin de l’aide proposée», indique la collectivité. Une cagnotte ayant pour objet «d’aider sa famille, notamment pour les obsèques et frais de justice» a effectivement été lancée ces dernières heures et comptait, au moment de la publication de cet article, près de 3 500 participants - le montant n’est pas public.

Mais selon une source judiciaire, le refus de famille serait «plus de l’ordre légal et déontologique». Car l’ombre de la récupération politique plane depuis que, jeudi, la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, a annoncé en séance du conseil régional que la collectivité allait prendre en charge les frais de justice de la famille de Philippine. «Cette famille est non seulement dévastée par le chagrin et la douleur, mais elle doit également faire face à des frais d’avocats pour que justice soit rendue. C’est une situation dramatique et totalement injuste», avait-elle justifié. De vives polémiques ont éclaté depuis qu’un suspect, un homme de 22 ans de nationalité marocaine déjà condamné en France pour viol en 2019 et visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF), a été arrêté mardi soir en Suisse.

Au-delà de l’aspect déontologique de l’offre de Valérie Pécresse, la question de la légalité de cette aide a également interrogé. Depuis 24 heures, la collectivité n’a jamais pu préciser les modalités précises de l’initiative prise par sa présidente. Est-ce qu’une somme d’argent pouvait être directement virée à la famille de Philippine ? «Nous avons étudié la question», explique-t-on sans plus de précision. La Région a également rappelé qu’elle «soutient [déjà] des associations qui aident les victimes, qui sont capables de prendre en charge pour elles des aides pour leurs procédures juridiques à faire valoir leur droit». C’est par exemple le cas d’associations aidant des femmes victimes de violences, d’homophobie ou racisme, ajoute-t-on. «Les associations répondent à des appels à projet et sont soutenues financièrement par la Région», dit-on encore.

Selon la Région Île-de-France, ce soutien se fait le biais du dispositif «Aide aux victimes d’infractions pénales». «Ce dispositif permet de soutenir les structures associatives qui proposent aux victimes des permanences juridiques et un soutien psychologique assurés par des juristes et des psychologues confirmés, ainsi qu’un accompagnement individualisé tout au long de la procédure judiciaire», détaille-t-on auprès de Libé. C’est probablement dans ce cadre que la Région aurait pu, indirectement, financer les frais de justice de la famille de Philippine.

«La région n’a pas de compétences sociales»

Car pour Bertrand Faure, professeur de droit à Nantes Université, «une collectivité territoriale ne peut intervenir que dans un intérêt local public. Ici, il s’agit d’un contentieux privé. Je ne vois pas au nom de quoi une collectivité locale pourrait intervenir». Le chercheur pointe l’existence d’une aide d’accès à la justice, mais celle-ci relève de l’Etat. Selon le Conseil d'Etat, l’aide juridictionnelle permet en effet «sous certaines conditions, aux personnes ayant de faibles revenus, de bénéficier d’une prise en charge par l’État des frais de justice, en particulier des honoraires d’avocat». De plus, rappelle Bertrand Faure, «la Région n’a pas de compétences sociales».

Selon nos informations, après le refus de la famille, Valérie Pécresse a annoncé vendredi matin en commission permanente que l’aide prévue sera finalement fléchée vers l’association The Sorority et sera soumise à un vote le mois prochain. Cette application a pour but de «faire face ensemble notamment aux violences conjugales, intrafamiliales et à toutes les formes de harcèlement», selon les mots de sa fondatrice, Priscillia Routier-Trillard. La «communauté» de solidarité féminine s’était activée pour retrouver Philippine le samedi 21 septembre, participant ainsi à la découverte du corps de l’étudiante.

Mise à jour : à 17 h 30, ajout de contexte.